Ce site présente la double particularité d’être une création artificielle de Justinien, vers 535, et d’avoir connu une existence très brève, puisqu’il fut abandonné au moment des invasions avaro-slaves, vers 615 : au total donc, moins d’un siècle. D’où son importance scientifique exceptionnelle. Il est particulièrement propice à trois types de recherches : l’étude de l’urbanisme protobyzantin, l’étude de l’habitat et des modes de vie au VIe siècle dans les Balkans, et l’étude des contacts entre Byzantins et « envahisseurs ». Les objets de Caričin Grad (fig. 3) notamment peuvent servir de point d’ancrage pour l’étude du mobilier d’autres sites occupés sur une plus longue durée.
Les premières fouilles serbes remontent à 1912, et ont continué malgré plusieurs interruptions jusqu’en 1976. La collaboration franco-serbe a commencé en 1978, et s’est poursuivie dans le cadre d’accords généralement quadriannuels conclus entre l’Institut archéologique de Belgrade et l’École française de Rome ; elle n’a été interrompue qu’entre 1991 et 1996. Dès l'origine, la mission a été constamment ouverte à la participation d'étudiants de l'Université de Strasbourg (généralement 2 ou 3 par an), dans le cadre de leur formation de licence ou de master. Les publications majeures prennent place dans la Collection de l’École française de Rome.
Depuis 2009, nous avons entrepris l’étude du quartier nord de la Ville Haute. Cette recherche prolonge une réflexion qui avait porté sur les circulations sur l’Acropole, et plus particulièrement sur les différents accès à la grande salle d’audience située au nord de la rue principale (fig. 6) : la porte donnant directement dans l’abside carrée de cette salle était probablement réservée à la plus haute autorité, c’est-à-dire à l’évêque. La présence d’une poterne du rempart (dite « poterne c’ ») juste derrière l’abside laissait supposer que l’évêque accédait à la salle (identifiée au secretarium) par l’arrière, et que donc la résidence épiscopale se trouvait au Nord de l’Acropole.
Cette exploration a pris surtout jusqu’à présent la forme d’un large décapage, méthode d’investigation possible à Caričin Grad parce que l’écrêtement des murs n’y est souvent couvert que par l’humus de surface (fig. 7). Le quartier apparaît, à l’issue de ce décapage, constitué de quatre éléments (fig. 8) :
Le principal axe de circulation du quartier est un passage parallèle au rempart de l’Acropole, et qui se tient à environ 15 m de celui-ci. Ce passage, qu’on gagnait au plus court depuis la poterne c’, débouche à l’Est dans une vaste cour située à l’arrière du « bâtiment à piliers ». Il est clair que la résidence épiscopale, au sens étroit du terme, ne peut guère être cherchée que dans ce secteur oriental.
Depuis une dizaine d’années, l’architecte Vladan Zdravković réalise des restitutions en 3D de la plupart des bâtiments de Caričin Grad, qu’il complète et corrige au fur et à mesure des découvertes. Il travaille actuellement à la restitution d’ensemble de la ville dans son environnement proche.
En 2011, un relevé de terrain selon la technique du LiDAR topographique a été effectué sur une superficie de 12 km2 autour du site. L’exploitation du DTM (« Digital Terrain Model ») a déjà reçu deux applications. D’une part, un rempart avancé en dur (sorte de parateichion) a été découvert, qui protège la pente au Nord-Est et à l’Est du site sur environ 4,5 ha. D’autre part, les derniers kilomètres de l’aqueduc se lisent bien sur le DTM ; des prospections de terrain ont permis à nos collègues serbes de remonter de là jusqu’au captage (à Petrova Gora, au pied du mont Radan). Cette détermination du tracé de l’aqueduc sur toute sa longueur permet d’envisager un programme sur l’eau à Caričin Grad.
L’étude de la faune a reçu une impulsion nouvelle en 2012 avec l’intégration à l’équipe de l’archéozoologue Nemanja Marković. De plus, une collaboration a été nouée en 2013 avec le Römisch-Germanisches Zentralmuseum de Mayence (RGZM) qui présente un programme concernant un double champ d’investigation : d’un côté la provenance et le traitement des matériaux (métaux, verre, etc.), de l’autre les études paléoenvironnementales et paléoclimatiques. Ce programme sur trois ans (2014-2016) a été amorcé dès 2013 par des prélèvements de paléorestes végétaux effectués par la paléobotaniste Anna Reuter. La coopération tripartite a été formalisée par des accords conclus entre le RGZM et l’IAB d’une part, le RGZM et l’EFR d’autre part.
Partie française : Catherine Vanderheyde (directrice de la mission française, UdS et UMR 7044), Bernard Bavant (archéologue, UMR 7044, membre associé), Ludovic Bender (archéologue, UMR 7044, membre associé), Jean-Philippe Droux (Géographe-cartographe, IE en archéologie, UMR 7044).
Partie serbe : Vujadin Ivanišević (directeur de la mission serbe, IAB), Vesna Bikić (céramologue, IAB), Ivan Bugarski (IAB), Aleksandar Stamenković (topographe), Nemanja Marković (archéozoologue, IAB), Vladan Zdravković (architecte)
Partenariats français : Ministère des Affaires étrangères ; École française de Rome ; Centre national de la Recherche scientifique (UMR 7044, Strasbourg) ; Université de Strasbourg (UdS)
Partenariats serbes : Arheološki Institut Beograd (IAB) ; Zavod za zaštitu spomenika kulture u Nišu ; Narodni Muzej Leskovac
Partenariat européen : Römisch-Germanisches Zentralmuseum Mainz (RGZM)
Textes de B. Bavant
Pour toutes questions relatives à la mise en place de cette page, contactez catherine.duvette(at)misha.fr