Archimède 8. 2021. Dossier 2. Praxis citationnelle et co-construction du discours scientifique dans les Naturales Quaestiones de Sénèque (livres II & III)


Résumé

Cet article vise à préciser le rôle que joue la pratique citationnelle dans la transmission du savoir scientifique opérée par Sénèque dans les Naturales Quaestiones. De fait, la pratique citationnelle est un outil de transmission textuelle qui, dans l’Antiquité, peut prendre de multiples visages. Elle semble toutefois reposer, dans le cas des Naturales Quaestiones, sur des invariants particulièrement signifiants. Sénèque prend en effet soin d’appuyer sa démonstration sur des citations poétiques, le plus souvent de Virgile ou d’Ovide. Or si ce phénomène n’est pas isolé dans le domaine des sciences naturelles de l’Antiquité, le processus citationnel sénéquien apparaît comme particulièrement fécond à l’analyse, révélant différentes stratégies de transmission du savoir (appropriation, inspiration, contestation). Cependant, Virgile et Ovide ne sont pas les seuls poètes à être convoqués et Sénèque prend également soin de citer les vers du destinataire de l’œuvre, Lucilius. La place de ce dernier, trop souvent mésestimée, doit à notre sens être plus finement étudiée, pour faire apparaître son rôle en tant qu’acteur et moteur du discours. Cette co-construction des savoirs sert finalement à défendre de manière indéfectible la tradition physique stoïcienne, une doctrine qui semble, si tant est qu’on ne remette pas en cause ses dogmes fondamentaux, laisser une liberté absolue aux aspirants philosophes.

Mots-clés : Sénèque, physique, citation, poésie, Lucilius, stoïcisme.

Abstract

Title: Quotation practices and the co-construction of scientific discourse in Seneca’s Naturales Quaestiones (Books II and III)

This article aims to clarify the role that the practice of quotation plays in the transmission of scientific knowledge operated by Seneca in the Naturales Quaestiones. In fact, the practice of quotation is a tool of textual transmission which, in Antiquity, could take many forms. However, in the case of the Naturales Quaestiones, it seems to be based on particularly significant invariants. Indeed, Seneca is careful to base his demonstration on poetic quotations, most often from Virgil or Ovid. Although this phenomenon was not isolated in the field of the natural sciences in Antiquity, analysis of the Senecan practice of quotation can yield particularly fruitful results, revealing different strategies for the transmission of knowledge (appropriation, inspiration, opposition). Nevertheless, Virgil and Ovid are not the only poets to be summoned, and Seneca is also careful to quote a line from a poem by his addressee, Lucilius. The place of the latter, which has been too often underestimated, must, in our opinion, be more finely studied, to reveal his role as an actor of the discourse. This co-construction of knowledge ultimately serves to defend the Stoic physical tradition, a doctrine that seems, if its fundamental dogmata are not called into question, to give absolute freedom to aspiring philosophers

Keywords: Seneca, physics, quotation, poetics, Lucilius, stoicism.