Résumé

Cet article montre que la période comprise entre la fin du Ier siècle et le IIe siècle ap. J.-C. a été témoin d’importantes expériences visant à explorer diverses façons de représenter des communautés intellectuelles. Les Propos de table de Plutarque sont envisagés en premier lieu : la communauté sympotique qu’il décrit est liée par un mode de conversation partagé, qui consiste à engager un dialogue avec les auteurs du passé. Elle est aussi représentée comme une communauté profondément grecque, notamment en ce que nombre des discussions rapportées par Plutarque se déroulent lors de fêtes helléniques. Les Lettres de Pline le Jeune offrent un parallèle avec le projet de Plutarque : si les témoignages ne permettent pas d’établir avec certitude une influence mutuelle entre les deux œuvres, Pline construit lui aussi l’image d’une communauté d’élites d’une ampleur et d’une diversité comparables à celle que décrit l’œuvre de Plutarque, bien que Pline vise bien davantage l’élaboration du livre comme objet physique, par exemple dans sa description d’une culture de la récitation. Pour Aulu-Gelle, enfin, les Propos de table de Plutarque constituent également un important élément de comparaison. Plutarque est à vrai dire l’une des principales inspirations de cette œuvre, mais l’auteur, davantage encore que Pline, accorde une place très importante à l’acte de la lecture. La communauté d’élites qu’il présente ne mentionne que quelques personnages, ce qui reflète son intérêt pour la confrontation solitaire avec les écrits du passé comme complément indispensable de la conversation érudite.

Mots-clés : Plutarque, Pline le Jeune, Aulu-Gelle, communauté intellectuelle, réseaux, lecture, symposium, récitation.

Abstract

This chapter argues that the late first and second century CE was a period which saw important experiments with different possibilities for representing intellectual community.  I look first at Plutarch’s Sympotic Questions: his sympotic community is tied together by a shared style of conversation, which involves entering into dialogue with the authors of the past; it is also represented as a strongly Greek community, not least in the fact that so many of the conversations Plutarch records are set at festivals. Pliny’s Letters are closely parallel to Plutarch’s project: there is not enough evidence to demonstrate mutual influence between the two works conclusively, but Pliny does conjure an image of an elite community that shares the scale and variety of Plutarch’s work, although with the difference that Pliny is much more interested in the portrayal of the book as a physical object, for example in his portrayal of recitation culture. For Gellius too Plutarch’s Sympotic Questions is an important point of comparison, in fact Plutarch is one of the main inspirations for his work, but he too, even more so than Pliny, gives great prominence to the act of reading; the elite community he presents also has far few named figures, and that different reflects his interest in solitary engagement with the writings of the past as an essential complement to learned conversation.

Keywords: Plutarch, Pliny the Younger, Aulus Gellius, intellectual community, networks, reading, symposium, recitation.