A. Becker, Les relations diplomatiques romano-barbares en Occident au ve siècle. Acteurs, fonctions, modalités, 2013.
Collections de l’Université de Strasbourg, Études d’archéologie et d’histoire ancienne, Paris, De Boccard (317 p. - 46 €. ISBN 9782701803418).
Au Ve siècle de notre ère, l’arrivée de peuplades barbares sur le territoire de l’Empire romain d’Occident modifie largement les rapports de force : l’Empire doit désormais composer avec des partenaires sur son propre sol. Si la guerre permet encore des victoires dans la première moitié du siècle, la diplomatie est peu à peu privilégiée par les autorités impériales pour tenter d’éviter la dislocation de l’Empire face à l’essor de royaumes barbares sur son territoire ou à ses frontières. Dans un monde désormais multipolaire où la puissance romaine n’est plus hégémonique, la figure de l’ambassadeur se révèle centrale. Le succès de ses missions diplomatiques dépend de ses capacités d’adaptation face à des interlocuteurs barbares, avec lesquels il faut dorénavant compter.
Cette étude porte aussi bien sur les critères de choix des ambassadeurs, romains comme barbares, que sur l’élaboration de pratiques diplomatiques communes : comment et par qui les ambassadeurs étaient-ils désignés ? Quelles étaient leurs compétences ? Comment étaient-ils pris en charge lors de leurs missions ? Comment les rencontres diplomatiques se déroulaient-elles et comment les traités étaient-ils conclus ? L’enquête révèle, en outre, le rôle de conseillers joué à la cour des rois barbares par les anciennes élites provinciales et l’influence qu’elles exercèrent ainsi sur les pratiques diplomatiques de ces rois. En s’intéressant à la manière dont les relations romano-barbares se construisirent au Ve siècle, ce livre éclaire les origines de la diplomatie en Europe au Haut Moyen Âge.
M.-F. Guipponi-Gineste et C. Urlacher-Becht (éd.), La renaissance de l’épigramme dans la latinité tardive, 2013.
Collections de l’Université de Strasbourg, Études d’archéologie et d’histoire ancienne, Paris, De Boccard (654 p. - 63 €. ISBN : 978-2-7018-0346-3).
L’épigramme connaît, dans la latinité tardive, un succès et un renouveau tels que l’on peut parler de renaissance du genre. En effet, d’Ausone à Venance Fortunat, cette forme poétique née en Grèce et entrée depuis longtemps dans le patrimoine latin s’abstrait en partie du format de l’épigramme à pointe, imposé par Martial. Elle se diversifie en empruntant ses thèmes et ses formes à d’autres modèles – comme la tradition alexandrine – et en inventant, notamment dans le domaine chrétien, des formes nouvelles. Ce renouveau la place au cœur d’enjeux pluriels ‒ esthétiques, sociaux, moraux et religieux.
Ce volume réunit les contributions de spécialistes de la poésie latine tardive, mais aussi de l’épigramme grecque et des grands représentants latins du genre. Il couvre tout le champ de l’intense production épigrammatique latine tardive (IVe-VIIe siècle), tant traditionnelle que chrétienne. Il explore les divers aspects littéraires de cette floraison et s’attache également aux conditions de production des textes, particulièrement aux facteurs socio-politiques, culturels et religieux qui sont à la source de la vitalité de cette forme poétique. Il offre ainsi une synthèse inédite sur la renaissance d’un genre fort révélateur de la culture de l’Antiquité tardive.
Daniela Lefèvre-Novaro, Du massif de l’Ida aux pentes du mont Diktè. Peuples, territoires et communautés en Messara du XIIIe au VIIe siècle av. J.-C., 2014.
Éditions de Boccard - Collections de l’Université de Strasbourg, Études d’archéologie et d’histoire ancienne, Paris, De Boccard, 2 volumes 376 p. & 406 p., 75 ill. n&b., 11 ill. coul.,133 pl. en annexe sur clé USB, br., ISBN 978-2-7018-0374-6. 89 €.
La Messara, la plus riche plaine de Crète, entourée de montagnes qui culminent à 2 454 m d’altitude, a connu deux types d’organisation étatique au fil des siècles : les palais à l’âge du bronze et la polis ou cité-État à partir du viiie siècle. Entre ces deux périodes, de nombreux changements ont affecté la Crète et le bassin égéen ; dès les dernières décennies du xiiie siècle, une phase de bouleversements annonça la crise et la fin du système palatial centralisé, phénomène qui toucha les fondements mêmes de la vie communautaire comme le montre l’organisation politique des cités grecques attestées dans la région quatre siècles plus tard. Pour comprendre les étapes et les causes de cette évolution, Daniela Lefèvre-Novaro étudie pour la première fois dans leur ensemble les données archéologiques et les sources écrites concernant 181 sites. Cette analyse permet de mettre en lumière des phénomènes tels que le déplacement ou la persistance des habitats ainsi que la réapparition au viiie siècle du phénomène urbain, la modification des échanges commerciaux le long de la route méridionale crétoise, les changements et les continuités dans les pratiques funéraires, la mise en place des fortifications, la délimitation des territoires des poleis et les innovations en matière d’architecture religieuse. Tout en tenant compte des nouveautés apparues au cours de cette période charnière, on remarque une forte continuité de l’âge du bronze à l’âge du fer, y compris d’un point de vue linguistique, comme en témoignent les inscriptions d’Ini. Au fil des siècles, les habitants de la Messara et des montagnes environnantes, qui ont su développer une économie florissante fondée sur l’agriculture, l’élevage et l’artisanat, se sont mélangés aux nouveaux arrivants (Mycéniens du continent, « Doriens », Levantins), en donnant ainsi naissance à une culture où la tradition et les nouveaux apports coexistent et se mélangent au cœur de l’une des régions les plus fertiles de Crète.
Daniela Lefèvre-Novaro est spécialiste du monde grec, et notamment de la Crète, de l’âge du bronze récent à la période archaïque. Elle est maître de conférences habilitée d’archéologie classique à l’Université de Strasbourg et membre de l’UMR 7044. De 2011 à 2014, elle a été la coordinatrice du programme ANR « Espace et Territoire » DIKIDA.
Frédéric Colin, Olivier Huck et Sylvie Vanséveren (éd.), Interpretatio. Traduire l’altérité dans les civilisations de l’Antiquité
(éditions De Boccard, collection Etudes d'archéologie et d'histoire ancienne de l'université de Strasbourg, Paris, 2015, ISBN : 978-2-7018-0375-3, 59 euros).
Pour désigner un dieu étranger, il n’était pas rare que les hommes de l’Antiquité lui donnent le nom d’une divinité qu’ils jugeaient équivalente dans leur propre panthéon : c’est le phénomène que les historiens des religions dénomment, depuis longtemps, l’interpretatio (Graeca ou Aegyptiaca par exemple). L’idée qui fait la nouveauté de cet ouvrage est que ce phénomène relève d’un processus beaucoup plus large, et que le concept d’interpretatio peut s’appliquer bien au-delà du seul champ religieux. Nombreux sont, en effet, les domaines dans lesquels les Anciens ont pratiqué la mise en équation de deux ensembles de notions allogènes. Ainsi, la même démarche peut s’observer aussi bien pour décrire le panthéon des autres que pour nommer leurs artefacts, leurs institutions ou leurs systèmes de valeurs.
L’universalité du processus invitait donc à la confrontation pluridisciplinaire des observations selon une grille de lecture commune, par-delà les frontières habituelles des sciences de l’Antiquité. Cet exercice est ici mené par des spécialistes des principales civilisations entourant la Méditerranée ancienne, l’Anatolie hittite, l’Égypte pharaonique, grecque, romaine et byzantine et le monde grec et romain de la période classique à l’Antiquité tardive. Grec, latin, égyptien classique, démotique, copte, mais aussi akkadien, allemand, anglais, arabe, arménien, avestique, espagnol, flamand, français, hittite, hourrite, italien, japonais, libyque, louvite, néerlandais, ougaritique, persan, portugais, punique, sumérien ou encore vieux-perse : la seule liste des langues entrant en jeu dans cet ouvrage suggère la diversité et la richesse des phénomènes d’interaction linguistique et culturelle qui sont ici mis en lumière.
Cet ensemble intéressera aussi bien les linguistes et philologues que les historiens des différentes civilisations de l’Antiquité, voire, au-delà, les anthropologues et les sociolinguistes curieux des phénomènes d’interaction culturelle.
C. Brélaz (éd.), L’héritage grec des colonies romaines d’Orient. Interactions culturelles dans les provinces hellénophones de l’empire romain
(éditions De Boccard, collection Études d’archéologie et d’histoire ancienne de l’université de Strasbourg, Paris, 2017. ISBN : 978-2-7018-0497-2)
En l’espace de quelques décennies, du milieu des années 40 av. J.-C. au principat augustéen, une trentaine de colonies furent implantées par les autorités romaines dans les provinces hellénophones de l’empire, en Sicile, en Grèce, en Asie Mineure et au Proche-Orient. De même que les colonies fondées au même moment en Occident, ces établissements devaient permettre de fournir des terres aux vétérans démobilisés à l’issue des guerres civiles successives qui avaient déchiré la République romaine dans la seconde moitié du ier siècle av. J.-C., ainsi qu’aux civils chassés d’Italie au cours de ces événements. La création de ces colonies à l’emplacement de cités grecques préexistantes entraîna dans chaque cas une profonde césure dans l’histoire de ces dernières. D’un point de vue institutionnel, ces communautés de citoyens romaines greffées en pays hellénique étaient, selon la formule célèbre d’Aulu-Gelle, des « répliques » de Rome. Toutes les traces de la cité grecque déchue ne purent toutefois être effacées par les migrants italiens et les colonies se trouvèrent, de fait, les dépositaires d’un important héritage hellénique, à la fois matériel, culturel et mémoriel. Bien loin d’avoir été des îlots de latinité en terre grecque, les colonies se révélèrent, de plus, perméables aux influences de leur environnement provincial et hellénophone. Cet ouvrage, en dressant un bilan des interactions culturelles qui prévalurent entre les colonies romaines d’Orient et leur milieu dans les domaines les plus variés (urbanisme, culture matérielle, langue, institutions, relations sociales, cultes, identités collectives) et en analysant les modalités de la progressive assimilation de ces communautés à l’hellénisme entre le ier siècle av. J.-C. et le ive siècle ap. J.-C., se veut une contribution à l’histoire des phénomènes d’acculturation dans l’empire romain.
D. Meyer et C. Urlacher-Becht (éd.), La rhétorique du « petit » dans l’épigramme grecque et latine
(éditions De Boccard, collection Études d’archéologie et d’histoire ancienne de l’université de Strasbourg, Paris, 2017. ISBN : 978-2-7018-0523-8, 39 euros)
La thématique du « petit » traverse toute l’histoire de l’épigramme littéraire antique, depuis la naissance du livre d’épigrammes en Grèce vers 400 av. J.-C. jusqu’à ses dernières manifestations dans la latinité tardive. Par-delà la mesure brève des pièces, innombrables sont en effet les « petits » sujets traités, depuis les supports réduits jusqu’aux sujets légers, en passant par les humbles figures. à maintes reprises, c’est le poète lui-même qui se présente sous des traits modestes ou donne une image dépréciée de ses vers, si bien que ses poèmes semblent relever d’un vain divertissement. Le « petit » est néanmoins aussi le fin, le subtil, le raffiné, etc. ; quant au modeste poète, il est celui qui sait reprendre à son compte la tradition littéraire antérieure, en l’ajustant à la fois aux goûts de son milieu et à ses objectifs propres, non parfois sans ambition quand il parle aux/des « grands ». La part de la « rhétorique » est ainsi nette.
Les contributions réunies dans ce volume ne s’attachent pas seulement à l’étude des multiples déclinaisons auxquelles se prête cette topique ou à l’examen des jeux d’opposition montrant la part de la posture littéraire ; il s’agit d’en dégager les enjeux pluriels ‒ esthétiques, moraux et socio-politiques. En prenant en considération le genre dans toute son étendue temporelle et géographique, elles mettent par ailleurs au jour plusieurs éléments de différenciation entre l’épigramme grecque et romaine, profane et chrétienne, tout en montrant comment ce schème constitue un élément fédérateur du genre, en particulier dans la latinité tardive, où l’épigramme s’émancipe de ses cadres traditionnels.