Résumé
Dans l’Anabase, Arrien convoque des sources nombreuses et s’y réfère souvent explicitement par une large gamme de mentions, allant du nom des auteurs aux expressions « ce qui est dit » ou « le bruit qui court ». Dans un contexte où, habituellement, « un historien antique ne cite pas ses sources », selon une formule de Paul Veyne, ce choix est surprenant. Arrien est-il condamné à n’être que le passeur d’une tradition déjà toute constituée sur le conquérant, incapable de prendre lui-même en charge le récit ? C’est précisément sur la nature exacte de la transmission du matériau historique dont il hérite, sur ses critères et sa finalité que porte cette étude. En réalité, non content d’enregistrer aveuglément tout ce qui a été dit sur Alexandre, Arrien évalue avec précision le degré de vérité de chacune de ses sources. Transmettre revient alors à juger et à sélectionner. Mais parallèlement à cette posture critique de l’historien, qui entreprend d’épurer la tradition des mensonges, l’auteur ménage un autre critère en laissant une place pour ce qui est « digne d’être raconté ». Plus encore, il subordonne ses jugements historiques à la vision du conquérant qu’il entend véhiculer. De cette façon, la transmission se fait création d’un nouvel Alexandre, façonné par Arrien grâce à une habile manipulation des sources.
Mots-clés : Arrien, Alexandre, Anabase, historiographie, personnage, sources, récit, tradition.