Équipe 1 : « Territoires et Empires d’Orient »

Présentation générale

L’équipe 1 sera placée en 2024 sous la responsabilité de Philippe Quenet, professeur d’archéologie de l’Orient ancien. Elle regroupe des spécialistes de différentes disciplines et de différents domaines géochronologiques, autour d’un Orient méditerranéen compris de manière assez large (Mésopotamie, Égypte antique et copte, empires byzantin et arabo-musulman). La meilleure expression de son unité est actuellement la participation de plusieurs de ses membres à la construction du projet de « Musée de l’Orient » (dénomination encore provisoire) lancé sous l’égide de la BNUS. Si elle peut devenir réalité dans les conditions actuelles, une telle institution aura vocation à mettre en valeur les collections strasbourgeoises liées à nos disciplines, tout en accueillant aussi des expositions enrichies de matériel prêté par d’autres partenaires, tel que le Louvre. Ce sera une remarquable occasion de mettre en valeur les recherches menées par l’équipe dans toute la variété de ses disciplines et de ses approches.


Axe 1 : « Archéologie contextuelle : de l'acquisition à la publication des données de fouilles »

Opération 1.1 Égypte ancienne : Assassif, Bahariya, Douch, Philadelphia (resp. F. Colin)

Le projet Assassif (resp. Fr. Colin et C. Hartenstein, avec le concours de É. Boes, F. Chenal, J.-P. Droux et S. Nannucci) est une collaboration entre l’Institut français d’archéologie du Caire et l’UMR 7044. La concession de fouille et d’étude porte sur la vaste surface contenue par l’enceinte (environ 85 x 107 m) de la tombe monumentale d’un prêtre qui vécut au viie siècle avant J.-C. Les trois premières campagnes (2018-2019-2021) ont montré que, malgré des perturbations localisées, causées par les grands dégagements archéologiques des siècles derniers, le site conserve une stratigraphie complexe et riche en données, qui permet d’accomplir une étude diachronique sur plusieurs millénaires. Faute d’une étude archéologique, la zone du mausolée de Padiamenopé était jusqu’ici conçue comme un site représentatif d’une phase unique, datant de la fin de la Troisième période intermédiaire et de la Basse Époque, mais l’emprise de la tombe a permis d’archiver des vestiges correspondant aux autres phases importantes du développement de la vallée. Dans le sondage « A », des inhumations inviolées et exceptionnellement bien conservées ont été mises au jour dans un contexte insolite : dans un espace limité à quelques mètres carrés, cinq sarcophages du début de la 18e dynastie et une stèle mortuaire privée (un des plus beaux monuments connus de ce type), remployée dans un muret, se trouvaient noyés dans un très vaste remblai de nivellement, que notre étude a permis d’attribuer à la construction de la chaussée processionnelle menant au temple funéraire de Thoutmosis III, dans le cirque de Deir el-Bahari. Une série d’indices montre que le dépôt est une inhumation multiple simultanée, secondaire, dont le contenu a été déplacé au départ d’une ou plusieurs sépultures antérieures. Les fossoyeurs ont apparemment profité de la progression d’un chantier royal de grande ampleur pour procéder à l’ensevelissement opportuniste de corps et de mobilier dont le lieu de repos initial devait avoir été perturbé récemment. La campagne 2021 a également révélé des éléments provenant de tombes datant du Moyen Empire, déplacés et remployés dans les murets de soutènement de la chaussée de Thoutmosis III. L’interprétation de cet assemblage demande donc de croiser des observations anthropologiques sur les pratiques de déplacement d’inhumation et des réflexions sur l’urbanisme d’une nécropole dont les quartiers funéraires et les circulations furent l’objet de planifications et de transformations à grande échelle.

Le village de Philadelphie (Fayoum), fondé au iiie siècle av. J.-C., est essentiellement connu par les textes papyrologiques qui y ont été découverts au xxe siècle lors d’opérations de terrain dont l’unique objectif était la recherche de papyrus. Le projet de fouille de ce site (National University of Taiwan, IFAO, Unistra) se propose de reconstituer l’histoire du village, dont les dernières traces d’occupation remontent au vs. ap. J.-C., à travers trois axes : l’urbanisme, les systèmes hydrauliques et les voies de communication avec les environs. Durant le quinquennal précédent, quatre membres ou membres associés de TEO ont participé aux trois premières campagnes (R.-L. Chang, F. Colin, C. Hartenstein et S. Nannucci). La participation de l’équipe strasbourgeoise dans le projet 2024-2029 s’articule autour de deux axes sur le plan archéologique : la fouille d’un quartier d’habitation au Nord (S. Nannucci) et la suite des travaux entrepris par F. Colin en 2018, qui ont mené à la découverte d’un bassin pour l’élevage de poissons. Il sera intéressant de déterminer si cet élément architectural peu commun est une construction isolée ou bien une partie d’un système hydraulique plus vaste et également d’identifier dans quel type de construction monumentale cet aquarium s’inscrit. Plusieurs publications sont prévues : une première concernant les ostraca démotiques trouvés en 2018-2021 (essentiellement des reçus de taxes, qui seront étudiés par F. Colin et C. Hartenstein) ; le bassin aux poissons et les éléments de décors architecturaux qui le composent (F. Colin, C. Vanderheyde) et enfin un premier corpus de terres cuites relatives à Harpocrate, découvertes dans un dépotoir dans le quartier des potiers fouillé en 2018-2021 et datées du iie s. av. J.-C. (C. Hartenstein). Ce type d’artefact, répandu dans les musées, est généralement difficile à dater car le contexte de telles découvertes a rarement été bien documenté par le passé, les terres cuites étant vues comme des objets de moindre importance. Le corpus de Philadelphie permettra d’apporter des précisions à la chronologie de la coroplathie égyptienne d’époque ptolémaïque.

Sous réserve de l’accord du Ministère égyptien des Affaires étrangères (qui n’a plus été obtenu depuis 2015), la reprise des travaux dans l’oasis de Bahariya (dir. C. Hartenstein et F. Colin, avec le concours de J.-P. Droux et S. Nannucci) est envisagée.

Les fouilles de Douch (oasis de Kharga) devraient reprendre, avec des prospections dans un vaste périmètre autour du site, vers la fin de l’année 2023, sous la direction de G. Tallet (Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne) avec la participation de F. Laroche-Traunecker, qui a récemment publié une synthèse sur les travaux de l’IFAO dans le secteur du sanctuaire osirien (1976-1994).

Il conviendra par ailleurs de poursuivre l’étude et de mener à son terme la publication des données et du matériel recueillis lors de fouilles antérieures dans le domaine égyptien. C’est ainsi que Françoise Laroche-Traunecker prépare la publication d’une monographie sur l’histoire des travaux dans le secteur du temple de Khonsou à Karnak, avec les relevés d’architecture inédits. L’ouvrage, composé de 30 planches aux formats A3, A2 ou A3x3 et d’un fascicule de texte, sera le volume IV de la série Khonsu éditée par l’Institut Oriental de Chicago.

Voir ici pour les opérations de fouilles prévues

Opération 1.2 : « Archéologie byzantine : le paysage religieux de Caričin Grad (Serbie) durant l’Antiquité tardive » (resp. C. Vanderheyde)

Le site byzantin de Caričin Grad, localisé dans le sud de la Serbie, à une cinquantaine de kilomètres de la ville de Niš, doit, d’après les données textuelles dont nous disposons, très probablement être identifié à Justiniana Prima, la ville fondée par l’empereur Justinien Ier (527-565) près du lieu de sa naissance. C’est un site d’éperon barré d’environ 9 hectares, divisé par des remparts et qui comprend trois parties : l’Acropole, la Ville Haute et la Ville Basse. L’espace intra muros est surtout occupé par des bâtiments publics et des résidences officielles, la majorité de l’habitat ordinaire se trouvant à la périphérie, protégé par des fossés, des murs secondaires et de simples palissades, ce qui porte la superficie du site à 25 hectares environ. Cette ville présente la double particularité d’avoir été fondée ex nihilo par l’empereur Justinien, vers 535, et d’avoir connu une existence très brève (moins d’un siècle), puisqu’elle a souffert des invasions avaro-slaves et a été abandonnée lors du premier tiers du viie siècle. Une collaboration franco-serbe a commencé en 1978 afin de poursuivre les recherches archéologiques initiées en 1912 par nos collègues serbes. Depuis lors, plusieurs membres de l’équipe TEO s’investissent dans ces recherches encouragées par l’École française de Rome et le Ministère français des affaires étrangères.

 

Opération 1.3 : « Mésopotamie ancienne : Eridu et autres sites proche-orientaux » (resp. P. Quenet)

Le site archéologique d’Abu Shahrayn, ancienne Eridu, se situe en Irak du Sud (30°48'29.90"N, 45°59'30.21"E), à une trentaine de kilomètre au sud-ouest de l’Euphrate et de la ville de Nasiriyah, chef-lieu de la province de Dhi Qar. La zone archéologique d’Eridu s’étend en réalité sur environ 1000 ha. Elle est délimitée par une digue de terre de plusieurs mètres de haut, qui fut élevée au début des années 1990 pour protéger de l’inondation le site et ses quatre satellites (Sites 2 à 5). La dépression où il se trouve fut en effet transformée alors en lac de retenue. Eridu ne désigne ainsi que la plus haute des cinq buttes qui se répartissent dans ce vaste espace. La butte 1, autrement dit le site d’Eridu à proprement parler, a été occupée sur la longue durée, du VIe millénaire av. J.-C. jusqu’au début du IIe millénaire av. J.-C. au moins. C'est d’abord un village, qui s’équipe au Ve millénaire av. J.-C. d’un centre monumental à fonction peut-être religieuse. L’évolution de ce dernier est mal connue, mais une ziggurat, cœur du temple dédié au dieu Enki, est construite sur le même emplacement à la fin du IIIe millénaire av. J.-C. Les derniers travaux de restauration attestés – ils sont menés aux abords de l’édifice – datent de la période Isin-Larsa (2000-1800 av. J.-C.). Rien n’indique clairement que le site fut occupé après cette date. À partir du IVe millénaire av. J.-C., à la période d’Uruk, (une partie de ?) l’habitat se transporte à 1 km de là au nord, sur le Site 2. C’est là aussi qu’a été mis au jour un palais datant du milieu du IIIe millénaire av. J.-C. Aucune zone d’habitat de la fin du IIIe millénaire (période d’Ur III) ou du début du millénaire suivant n’est connue. En revanche, le Site 4 a livré des traces indubitables d’occupation kassite (seconde moitié du IIe millénaire av. J.-C.). Le Site 5, le plus grand en superficie, est quant à lui occupé au Ier millénaire av. J.-C. Ainsi apparaît-il, au final, que l’occupation a tourné autour du pivot que constituait l’espace sacré du Site 1.

Comme pour l’Égypte, il conviendra par ailleurs de poursuivre l’étude et de mener à son terme la publication des données et du matériel recueillis lors de fouilles antérieures dans le domaine proche-oriental. C’est ainsi que D. Beyer et Fr. Laroche-Traunecker poursuivront l’étude des niveaux du Bronze et du Fer sur le site de Porsuk (Zeyve Höyük, Turquie ; fouilles Pelon-Beyer, 1968-2015).


Axe 2 : « Étude et publication d'objets et de textes inédits »

Opération 2.1 : « Recherches de papyrologies égyptiennes et grecque » (resp. F. Colin, S. Donnat, E. Garel, P. Heilporn)

Les Ateliers de recherche en papyrologies égyptiennes et grecque de Strasbourg (ARPEGeS) continueront à être régulièrement animés par les différents enseignants-chercheurs concernés (F. Colin pour le démotique, P. Heilporn pour le grec, S. Donnat pour le hiératique). Ces séances régulières visent non seulement à progresser dans le déchiffrement et le commentaire de textes principalement issus des collection de la BNUS, mais ont aussi un aspect pédagogique, puisque doctorants et étudiants de master avancés y sont invités pour s’initier aux pratiques du déchiffrement collectif et de l’édition de textes. S. Donnat continuera son travail sur la collection hiératique de la BNUS, à commencer par la poursuite d’un atelier de papyrologie hiératique avec les étudiant.e.s avancé.e.s (sujet envisagé pour les prochaines sessions : les pages d’un Livre des morts inédit Hierat. 67 et 68 et sans doute le fragment Hierat. 1 ; des trois, seul Hierat. 67 est identifié dans la base Totenbuchprojekt). D’autre part, elle publiera des documents inédits, relevant en particulier du domaine magico-religieux, en particulier le dossier des étiquettes en bois hiératiques inédites Ho2-Ho8, en collaboration avec S. Bickel (Prof. Universität Basel) et H . Smets (doctorante de l’UMR). La priorité sera ensuite donnée à l’édition de deux documents « magico-religieux » inédits, datés du Nouvel Empire (les fragments Hiérat. 76 et 80). Enfin, la réalisation d’une première base Excel, réalisée par L. Mohimont dans le cadre d’un stage de master, devrait servir de point de départ à la création d’un inventaire numérique/BDD complet de la collection hiératique. Du point de vue du démotique, les recherches continueront à se concentrer sur la constitution de dossiers issus de trois régions : Pathyris, la région thébaine et le Fayoum. Ces textes livrent des données économiques et sociales sur les milieux ruraux de l’Égypte grecque et romaine et présentent l’intérêt particulier d’éclairer l’environnement concret et matériel du patrimoine des temples, ce qui ouvre des possibilités d’interactions avec les découvertes archéologiques. De nouveaux articles devraient en découler dans la série des « Documents démotiques de Strasbourg », entamée sous la direction de F. Colin dans la Chronique d’Égypte. En papyrologie grecque, P. Heilporn mettra notamment l’accent sur les collaborations internationales, avec l’espoir d’aboutir à un nouveau volume de papyrus du Michigan, consacré à de nouveaux documents des deux archives trouvées dans le grenier C123 de Karanis (Fayoum), en particulier celles du légionnaire (puis vétéran) Gaius Iulius Apollinarius, auteur de nombreuses lettres envoyées de Pétra puis de Rome (collaboration avec W.G. Claytor). Les travaux continueront également sur un dossier bilingue d’ostraca thébains du Ier s. ap. J.-C. (collaboration avec W. Clarysse et T.M. Hickey) et sur un registre fiscal de Théadelphie (Fayoum), conservé à Florence, qui apporte de précieuses indications non seulement sur l’organisation de la perception des impôts, mais aussi sur l’évolution démographique du village au IIe s. ap. J.-C. (collaboration avec R. Pintaudi et A. Soldati). La mise en valeur de la collection strasbourgeoise se poursuivra aussi, notamment par la publication de textes nouveaux (2 thèses en cours sur des documents inédits, les uns grecs, les autres coptes). Les recherches de papyrologie copte, menées par E. Garel, porteront principalement sur deux aspects. Elles s’attacheront tout d’abord à la mise en valeur de la collection de papyrus de la BNUS par un catalogage complet des documents coptes qui n’a pas été réalisé jusqu’à présent, ainsi qu’une couverture photographique exhaustive. Ce catalogue aura vocation à être mis à disposition des chercheurs via une base de données numérique, partagée avec les documents grecs. Dans un second temps, une école d’été de papyrologie copte sera organisée (2025) ; ce genre de formation intensive se tient régulièrement depuis 2006 dans diverses collections du monde et débouchera sur un volume de publication de textes (ce sera la seconde édition à Strasbourg, qui a déjà accueilli une école d’été en 2010). Le second aspect porte sur l’édition et l’étude de deux corpus datant du début de l’époque arabe (viie-viiie siècles), dans le prolongement des recherches déjà menées : les papyrus du Fayoum et les papyrus de la jarre d’Edfou. Ces deux corpus sont représentatifs de l’usage du copte comme langue vernaculaire à une époque de transition entre l’empire byzantin et l’empire arabo-musulman. Deux volumes d’éditions de textes et d’études sont prévus pour 2024-2025.

Opération 2.2 : « Étude et édition de textes cunéiformes » (resp. A.-C. Rendu Loisel)

Ce programme de recherche a pour objectifs d’analyser les sources primaires en écritures cunéiformes (briques, sceaux-cylindres, tablettes, moulages), conservés dans les différents musées de Strasbourg. Il s’agit avant tout de travailler en étroite collaboration avec les instituts de la cité dans une perspective non seulement de recherche mais aussi d’enseignement, en intégrant les étudiants de la Faculté des Sciences historiques. La BNUS constitue notre interlocuteur principal : avec près de 400 tablettes cunéiformes, la collection de la BNUS constitue la deuxième collection cunéiforme la plus importante (quantitativement) en France, après le Louvre. Comme pour de nombreuses collections occidentales de tablettes cunéiformes, le processus d’acquisition par la BNUS s’est fait sur le long cours, depuis 1912, et jusqu’à récemment avec le don d’objets du professeur Jean-Louis Huot. Les tablettes proviennent pour la plupart du marché d’art et sont donc hors contexte archéologique. La datation des documents est faite sur la base de critères épigraphiques et linguistiques. La collection couvre l’ensemble de l’histoire de la Mésopotamie, depuis la période dite des dynasties archaïques IIIb (vers 2500-2350 av. n. è.) jusqu’aux empires néo-babylonien et perse (ve siècle av. n. è.). Les textes sont de genre également très divers. La part belle est faite à la documentation administrative : près de 300 tablettes proviennent de Drehem, l’ancienne Puzriš-Dagan (dans le Sud de la Mésopotamie, près de l’antique Nippur) et seraient datées de la fin du 3e millénaire av. n. è. Ces tablettes sont de petits comptes d’animaux (ovins, chèvres, oiseaux et bovins). Ils enregistrent pour l’essentiel des dépenses et des transferts de bétail à destination des principaux temples du royaume d’Ur. La BNUS conserve aussi des archives privées remontant à l’époque perse, des lettres d’époque paléo-babylonienne (xviiie siècle av. n. è.) , mais aussi des tablettes dites mathématiques, quelques textes littéraires dont un texte divinatoire et une incantation contre un revenant. Des documents portant des inscriptions royales sont également présents dans la collection, comme une brique inscrite au nom de Nabuchodonosor II (vie siècle av.), un clou en terre cuite inscrit au nom de Gudéa, roi de Lagaš (xxie siècle av. n. è.). Exceptionnel, un des rares exemplaires d’estampoir datant de la fin du 3e millénaire est également présent dans la collection. Des sceaux cylindres inscrits complètent la collection. Les premiers travaux d’édition de ces documents remontent au début du 20e siècle (Frank 1928; Schneider 1931). Un important travail de lecture et de copie des tablettes a été fait par les professeurs D. Charpin et J.-M. Durand (Charpin et Durand 1981). Certaines des tablettes de Strasbourg sont intégrées ponctuellement à des éditions thématiques générales (Joannès 1980 ; Kraus 1985 ; Everling 2000), ou à des catalogues d’exposition conduites par la BNUS et l’université, comme dernièrement (Quenet 2016). La collection est intégrée depuis 2010 à la base de données internationale Cuneiform Digital Library Initiative (CDLI -), piloté par la Fondation Andrew W. Mellon (États-Unis) et le Max-Planck- Institut pour l’histoire des sciences (Allemagne).

Cependant, beaucoup des lectures proposées au début du xxe siècle sont à présent largement dépassées, et nous avons entrepris de reprendre l’analyse philologique et l’édition critique de l’ensemble de la collection (Rendu Loisel 2018). En outre, un important travail doit être conduit sur les empreintes de sceaux, visibles sur les tablettes administratives dites d’Ur III. Ce travail permettra d’identifier les acteurs des transactions économiques à la fin du 3e millénaire av. n. è. et de les replacer dans le contexte historique plus général (Archi, Pomponio, et Bergamini 1995). Le projet s’intéressera également à l’histoire de la constitution de la collection, à la fin du xixe, début xxe siècle. Ces travaux d’édition se feront en étroite collaboration avec la Faculté de Sciences de l’Antiquité et les étudiants inscrits aux enseignements des langues akkadienne et sumérienne. Depuis 2013, des visites des collections ont lieu chaque année ; des ateliers de lectures et de copies de tablettes cunéiformes sont organisés à raison de 2 ou 3 fois par semestre, pour les étudiants les plus avancés. Les étudiants de Master ont l’occasion d’effectuer leur stage et découvrir le fonctionnement des instituts partenaires de la recherche, d’apprendre comment une collection d’objets est constituée et entretenue, tout en participant à la diffusion du savoir auprès du grand public.

Opération 2.3 : « Artefacts : publication de collections archéologiques » (resp. D. Beyer et C. Vanderheyde)

Cette opération comprendra au moins deux volets, l'un égyptien et l'autre proche-oriental. La collection d’antiquités égyptiennes de l’Université de Strasbourg, dont le fonds principal a été constitué au tournant du xixe et du xxe siècle, comprend environ 6 500 objets, dont une grande partie demeure inédite malgré son grand intérêt scientifique. Les principales catégories d’artefacts rencontrées pendant les différentes périodes de l’histoire égyptienne sont représentées dans ce fonds et l’avancement de l’inventaire muséologique a permis d'ouvrir une nouvelle phase de travail, tournée vers l’étude et la publication de séries d’objets dont la mise à disposition du monde scientifique est attendue depuis longtemps. Selon les nécessités méthodologiques des catégories d’objets, la publication prend la forme de catalogues monographiques ou d’études ciblées autour d’un petit nombre d’objets, mis en perspective vis-à-vis de l’ensemble de la documentation à laquelle ils appartiennent (par exemple des pièces isolées de mobilier funéraire que leurs inscriptions permettent de rattacher à des fonds conservés dans d’autres collections). Une attention particulière est apportée aux méthodes de documentation de ces artefacts, qui suivent le développement en cours des techniques de numérisation (photographie RTI, photogrammétrie en 3D), avec l’appui du Service AnArchiS de l’UMR.

D'autre part, le volet proche-oriental de l'opération, dont l'étendue dépendra de l'évolution de la situation en Syrie, inclura notamment l'étude, par I. Weygand, des objets en terre cuite de Mari et de Terqa (Syrie) et des objets en métal de Ras Shamra/Ugarit (Syrie). Les figurines anthropomorphes, animales et d'autres objets en terre cuite (chars et roues de char miniatures) du site de Mari sont étudiés en vue de leur publication, soit environ 1200 objets encore inédits, provenant des fouilles d'André Parrot, de Jean Margueron et de Pascal Butterlin (Bronze ancien et moyen). Il est prévu un volume pour ce sujet, vraisemblablement dans la série Mission Archéologique de Mari, collection Bibliothèque Archéologique et Historique. Parallèlement, un autre dossier est en cours d'étude en vue de sa publication, celui des objets en terre cuite du site de Terqa, une ville ayant appartenu au royaume de Mari (Bronze ancien et moyen). Ces objets sont issus des fouilles dirigées par Olivier Rouault. Enfin, le troisième dossier concerne les objets en métal de Ras Shamra/Ugarit : ils ont été mis à jour pendant les deux années de fouille sous la direction de Jean Margueron sur ce site et concernent la période du Bronze récent.

 


Axe 3 : « Histoire et anthropologie historique »

Opération 3.1 : « Anthropologie et pratiques de l’écrit » (resp. S. Donnat et A.-C. Rendu Loisel)

Ce programme propose d’analyser les différentes formes et usages de l’écriture dans les sociétés anciennes orientales, depuis l’apparition de l’écriture au 4e millénaire avant notre ère, jusqu’aux époques médiévales/modernes/contemporaines. Les sociétés qui se sont développées dans ces espaces ont mis au point une variété de systèmes d’écritures (logographiques, syllabiques, mixtes, alphabétiques, etc.) qui témoignent d’un rapport complexe à ce mode de communication. Ces pratiques de l’écrit s’inscrivent dans des cultures matérielles et visuelles spécifiques, des sociétés aux régimes de scripturalité, aux systèmes graphiques et aux traditions lettrées divers. Cette opération envisage d’aborder les pratiques de l’écrit des sociétés anciennes dans la perspective de l’anthropologie de l’écriture. Elle peut se concevoir comme un complément aux opérations de publication de textes inédits auxquelles participent par ailleurs les participant(e)s de cette opération. Si l’intérêt pour l’écriture et les pratiques de l’écrit, dans leur dimension matérielle et sociale, est ancienne en sciences historiques, c’est avec les travaux de l’anthropologue Jack Goody que l’écriture est véritablement devenue un objet d'étude pour l’anthropologie (A. Mbodj-Pouye, Critique 680-681, 2004, p. 77-88).  L’anthropologie de l’écriture envisage l’écriture comme une pratique sociale et culturelle. Sur le plan méthodologique, elle emprunte à l’ethnographie et à l’histoire (D. Barton, U. Papen, « What is Anthropology of Writing », dans D. Barton, U. Papen (éd.), The Anthropology of Writing.  Understanding Textually Mediated Worlds, 2009, p. 9). Dans le domaine de l’égyptologie, la question des usages sociaux de l’écrit a commencé à être particulièrement abordée à partir des années 1980. On peut citer les travaux de référence de John Baines, Christopher Eyre, Jan Assmann ou Pascal Vernus. Il faut encore mentionner les travaux récents de Chloé Ragazzoli sur le développement de la culture scribale au Nouvel Empire (C. Ragazzoli, Scribes. Les artisans du Livre, Paris,  2019). Dans le domaine de l'assyriologie, les débats scientifiques ont porté non seulement sur le lien entre le signe et le signifiant dans le contexte de la naissance de l'écriture (Glassner, Schmidt-Besserat par exemple), mais aussi sur les pratiques sociales de l'écrit, l'apprentissage de l'écriture et la culture scribale au sens large (Charpin, Veldhuis, Tinney parmi d'autres).

 

L’objectif de cette opération est d’aborder les pratiques de l’écrit dans les sociétés anciennes et médiévales dans une perspective comparatiste, en confrontant ses usages sociaux, les types de literacy des sociétés considérées et en prenant en compte les spécificités (sémiotiques, visuelles, matérielles) des systèmes graphiques utilisés. Notre analyse comparée permettra de mettre en évidence, dans chacune des cultures étudiées, les propriétés intrinsèques de l’écrit, par exemple la capacité à prolonger la voix, à représenter, ou à réifier un discours. Plusieurs thématiques spécifiques sont susceptibles d’être abordées dans le cadre de cette opération. Le choix pourra être réalisé collectivement lors de la première réunion de lancement, mais une des problématiques qui pourrait être envisagée serait celle de la place de l’écrit dans les pratiques et représentations relevant du domaine religieux. Il peut s’agir de pratiques de consignation écrite des savoirs rituels, cosmographiques, etc., d’écritures rituelles (R. Koch-Piettre, C. Batsch, Cahier des mondes anciens 1, « avant-propos » au dossier Écritures rituelles, 2010), – avec la question entre autres de la relation entre oralité et écriture lors de pratiques "performatives" du religieux, telle la récitation psalmique ou coranique par exemple, comme des pratiques administratives utilisant l’écrit au sein des communautés de spécialistes rituels ou religieux. Dans tous les cas, pour bien comprendre les pratiques scripturaires à l’intérieur d’un domaine social donné, il sera nécessaire de les confronter avec les pratiques de l’écrit attestées dans le reste de la société. L’usage de l’écriture en contexte religieux trouvera un rayonnement tout particulier au sein du programme de l’ITI HiSAAR, en particulier dans les axes portant sur les gestes rituels, ou les textes fondateurs des religions. Les participant(e)s de l’axe sont tou(te)s intégré(e)s à l’ITI HiSAAR.

Le mode de fonctionnement sera déterminé lors d’une première réunion de lancement. L’idée est toutefois de privilégier la réflexion collective. L’opération pourrait fonctionner sur la base de séminaires de recherche au cours desquelles pourraient être présentés et discutés 1) d’une part des articles exposant des approches de référence de l’anthropologie de l’écriture, et 2) d’autre part des cas d’étude issus du terrain des participant.e.s et de collègues extérieurs invités. À l’issue de ces séminaires exploratoires, un volume collectif sur la thématique choisie et travaillée sur le long terme au cours du quinquennal est envisagé.

Opération 3.2 : Histoire des religions dans les territoires d’Orient (resp. A.-S. Boisliveau)

Les territoires d’Orient, de la Méditerranée à l’Inde – avec une focalisation sur la région du croissant fertile, péninsule arabique et Perse, de l’actuelle Égypte aux actuels Iraq, Iran, Arabie, mais pas uniquement – sont les berceaux des phénomènes rituels, sociaux, intellectuels ou culturels appelés par la suite « religions » ou « relevant du religieux ». Ces phénomènes multiples, variés, ont en commun la mise en place de pratiques, souvent accompagnés d’idées, de dogmes plus ou moins formulés, décrits comme liés au surnaturel ou à l’au-delà. Certains de ces courants sont principalement axés sur la prescription et l’accomplissement de rituels, tandis que d’autres développent au contraire les formulations de dogmes, construisant un système de croyance appelant l’adhésion des individus et groupes. Depuis l’aube de l’humanité, puis avec l’apparition de l’écriture, la place du religieux est souvent centrale, parfois visible à travers l’édification de temples ou lieux de cultes divers. L’opération vise à être un cadre dans lequel différentes actions par différents spécialistes de l’équipe TEO peuvent développer l’aspect religieux des éléments (archéologiques, textuels, anthropologiques) qu’ils étudient par ailleurs. De fait, le religieux y sera aussi envisagé en lien avec le pouvoir politique – les empires notamment – et avec les traces économiques des sociétés (vestiges d’échanges marchands en marge d’un temple, par exemple), et pourra être abordé à travers l’archéologie, l’épigraphie, l’histoire, la philologie, l’anthropologie, etc. Ces différents aspects, parmi d’autres, sont également abordés dans le cadre de l’ITI HiSAAR, lequel aborde le religieux sous ses différentes facettes et contribue fortement au développement des études du religieux au sein de l’UMR où il est implanté, et de l’Unistra, associant de nombreux collègues hors de l’UMR.

Des spécialistes de divers domaines peuvent mettre en avant et explorer la dimension religieuse de leurs objets d’études. Par exemple, des éléments de croyance dans des textes cunéiformes ou en hiéroglyphes, dans des papyrus, ou encore des vestiges, de l’Égypte de l’antiquité tardive (y compris manichéisme, monachisme chrétien, etc.), en Perse, en Asie centrale et vers l’Inde (travail sur les textes fondateurs), dans les mondes grecs orientaux, indiens, byzantins, islamiques etc., peuvent être concernés. Un des domaines qui seront explorés dans cette opération est l’aire islamique, et plus précisément l’autorité et la réception des sources islamiques (Coran, hadith) dans le Proche-Orient des cinq premiers siècles de l’hégire (VIIe-XIe s. ap. JC). La réactivation du groupe « Coran et Antiquité Tardive - Unistra » (CAT-Stra), lancé en 2020, visera à regrouper des travaux en ce sens, en lien avec l’ITI HiSAAR et l’Inistra (Institut d’Islamologie de Strasbourg) lié à l’Institut Français d’Islamologie (IFI) et le GIS Moyen-Orient Mondes musulmans, lieux d’échanges, au niveau national, en études de l’histoire du fait religieux islamique.

Opération 3.3 : Écrits Scientifiques – Histoire des pratiques savantes dans les mondes musulmans (resp. V. Pitchon)

Les travaux de ce thème se concentrent sur la période médiévale arabe, entre le ixe et le xiiie siècle et portent sur l’histoire des soins en lien avec l’histoire de la pharmacologie d’une part et sur l’usage de la diététique dans l’alimentation d’autre part. La pharmacologie médiévale est un domaine qui fait partie de celui de l’histoire de la médecine, à ceci près que les documents permettant son étude sont essentiellement des textes décrivant des pratiques de mise en œuvre et d’utilisation de médicaments. Ces textes, appelés pharmacopées, apportent de nombreux éclairages dans la compréhension scientifique mais aussi sociale de l’usage des soins durant la période médiévale car ils englobent des prescriptions purement médicales certes, mais aussi ayant trait à l’hygiène ou à la diététique. On peut ainsi avoir une compréhension plus globale des pratiques et des structures savantes. Le travail est organisé autour de plusieurs axes qui comprennent la mise au jour de nouveaux textes avec notamment, une mise en valeur du patrimoine des manuscrits arabes en Alsace et une étude des phénomènes historiques découlant des pratiques sociales autour des soins et de l’alimentation.