L’opération proposée s’inscrit dans le prolongement de la Chaire Gutenberg 2019 de P. Porena (Université de Roma Tre, membre associé UMR 7044), laquelle a permis, entre autres résultats, dans le cadre du vaste projet PPRET : les préfets du prétoire de l’Empire romain tardif, une élite face à la crise (voir Chroniques d’Archimède 2, 2021, p. 35-37), la réalisation et la mise en ligne en accès libre de la base de données PPRET Inscriptions. Cette base de données (désormais BDD) regroupe et permet d’interroger par le biais de moteurs de recherche les inscriptions grecques et latines concernant les préfets du prétoire de la période 284-395, soit un total de quatre-vingt-seize inscriptions. Le critère de choix retenu est celui d’une mention explicite, au sein de l’inscription, de la fonction de préfet du prétoire (auteur et/ou destinataire et/ou élément de contenu). Pour chaque inscription, la BDD propose une édition du texte latin ou grec, des éléments relatifs à la forme de l’inscription, à sa provenance, à son auteur, au(x) préfet(s) du prétoire mentionné(s), des traductions (en anglais, italien et français), un commentaire substantiel et une bibliographie à jour. Soit un nombre considérable d’informations susceptibles d’être mobilisées dans le cadre de recherches simples ou combinées en vue de renouveler (le terme n’est pas galvaudé : sur les quatre-vingt-seize inscriptions incluses dans la BDD, vingt-sept était inconnues d’A.H.M. Jones et de la Prosopography of the Later Roman Empire (PLRE), laquelle demeure, à ce jour, le point de départ (si ce n’est d’arrivée !), de quantité d’études prosopographiques dédiées aux « élites » tardo-antiques), dans une perspective prosopographique, notre connaissance des préfets du prétoire de l’empire tardif. En envisageant ceux-ci comme une aristocratie de fonction caractéristique de leur temps, il devient possible d’éclairer également, par le truchement de mises en séries, les origines familiales, la formation, les orientations religieuses, ou encore les pratiques « de groupe » caractéristiques de ces hauts fonctionnaires (pensons p. ex. à l’évergétisme). De la même manière, ces mises en série permettent d’appréhender, avec une précision à ce jour inégalée, les principales étapes et les dynamiques spécifiques de la carrière de chacun des préfets du prétoire connus pour la période allant de 284 à 395.
C’est ce dernier aspect des approches rendues possibles par la BDD que l’on entend développer et réinvestir dans la présente opération. En effet, les textes de lois de l’époque tardive, massivement conservés et transmis dans les grandes compilations légales de la fin de l’Antiquité (Code Théodosien, Code Justinien) ne sont bien souvent datables – et, par là même, susceptibles d’être associés à un contexte précis d’émission – qu’au regard du nom et de la fonction de leurs destinataires. Destinataires qui, souvent, se trouvaient être des préfets du prétoire ! Partant, on comprend bien l’intérêt qu’il peut y avoir, pour les spécialistes de prosopographie, certes, mais aussi pour les historiens du droit, à restituer des séries chronologiques les plus complètes possible des titulaires des différentes préfectures du prétoire de l’Empire tardif. Privées des considérants et des indications relatives aux motivations du Législateur au moment de leur intégration dans les grands Codes de l’époque de Théodose II ou Justinien (seules les dispositions légales elles-mêmes présentant de l’intérêt au regard des compilateurs appointés par ces deux empereurs), les lois tardives constituent en effet, dans bien des cas, de véritables énigmes pour les chercheurs : pourquoi donc un empereur fit-il, au regard d’un problème donné, le choix de telle disposition légale, plutôt que de telle autre ? Être en mesure d’associer – grâce au nom d’un destinataire dont la carrière nous serait connue avec précision – un texte de loi à une date et donc à un contexte précis permettrait de lever, sinon la totalité, du moins une partie du mystère que ce texte représente aux yeux des chercheurs.
L’intérêt d’une approche de cette sorte a, bien entendu, été perçu de longue date par la profession historienne. Pour autant, les tentatives menées en vue de restituer, dans le détail, l’évolution de la préfecture du prétoire tardo-antique, ainsi que les séquences chronologiques de ses titulaires, n’ont-elles toujours abouti qu’à des résultats perfectibles. La reconstitution des carrières préfectorales proposée par Otto Seeck dans ses Regesten (O. Seeck, Regesten der Kaiser und Päpste für die Jahre 311 bis 476 n. Chr., Stuttgart, 1919), si elle a eu le mérite, en son temps, d’empoigner les questions de chronologie à bras le corps, pose ainsi de gros problèmes, tant de fond que de cohérence. Des problèmes qui, par extension et de manière systématique, affectent les (nombreux) travaux postérieurs adossés aux propositions de Seeck (Cf. inter alios J.-R. Palanque, Essai sur la préfecture du prétoire du Bas-Empire, Paris, 193). À ce jour, l’approche la plus heureuse – sans être parfaite, tant s’en faut ! – des questions de chronologie et de carrières préfectorales reste certainement celle d’Arnold Hugh Martin Jones, dans un article (A. H. M. Jones, « Collegiate Prefectures », Journal of Roman Studies 54, 1964, p. 78-89) dont les acquis ont ensuite été réinvestis (et en quelque sorte « fossilisés ») dans la PLRE. C’est assurément ce qui explique qu’à l’heure actuelle les propositions de Jones restent canoniques et ce, alors même qu’elles ont plus de cinquante ans désormais, et qu’une abondance de découvertes récentes, épigraphiques en particulier, inciterait à les réviser en profondeur. C’est là très précisément – on l’aura compris – la tâche que s’assignent les promoteurs de la présente opération !
Dans cette perspective, on entreprendra tout d’abord une révision de la Zeitfolge d’O. Seeck (O. Seeck, « Die Zeitfolge der Gesetze Constantins », Zeitschrift der Savigny Stiftung für Rechtsgeschichte. Romanistische Abteilung 10, 1889, p. 1-44 et 177-251), dans le but d’aboutir à une nouvelle séquence chronologique, substantiellement mise à jour, de la législation constantinienne. Les résultats de cette première étape seront présentés sous la forme d’une base de données en ligne. À moyen terme (voire long terme, au-delà du présent quinquennal), une approche de ce type (mais d’ampleur largement supérieure !) sera appliquée aux Regesten du même Seeck.