Équipe 4 : « Archéologie médio-européenne et rhénane »

Présentation générale

L’équipe 4 AMER regroupe les archéologues, dont les travaux portent sur des territoires centrés sur la vallée du Rhin supérieur, mais qui s’étendent en fait des plaines du Bassin parisien à la Bohème, transcendant ainsi les frontières nationales et couvrant la plus grande partie de l’Europe moyenne et occidentale. Le champ chronologique envisagé court des âges des Métaux à la fin du Moyen Âge et à l’époque moderne.

Les spécialistes impliqués dans ces travaux relèvent de plusieurs institutions : Université de Strasbourg, ministère de la Culture, Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), d’Archéologie Alsace (service archéologique de collectivité) et d’ANTEA-Archéologie (opérateur privé d’archéologie préventive) pour les membres statutaires. Les associés sont pour leur part des agents de services de collectivité du Grand-Est (Eurométropole de Metz ; Département de la Moselle ; Département des Ardennes), de musées en Alsace et plus largement en France ou en Suisse, d’opérateurs ou de laboratoires privés (Eveha ; Anatex). L’équipe AMER joue ainsi un rôle essentiel dans la coordination de la recherche archéologique dans le Grand Est en général et en Alsace en particulier : elle offre à des chercheurs d’origines diverses, qui évoluent parfois dans un contexte professionnel concurrentiel, un espace de travail collaboratif qui se nourrit de l’apport des différentes institutions dont ils dépendent.

Le projet de l’équipe AMER s’organise autour de 4 axes qui permettent de développer les problématiques de l’ensemble de ses membres. Le premier, qui porte sur les enceintes et fortifications, prend la suite de programmes développés lors du contrat quinquennal précédent et entend mener à bien une série d’opérations déjà avancées pour certaines. Le deuxième axe est articulé autour des questions liées à la culture matérielle, de la production à la consommation. Un troisième ensemble a trait au domaine funéraire. Enfin le quatrième et dernier axe se propose d’interroger les territoires et leur évolution. Différentes manifestations scientifiques, nationales ou internationales, sont d’ores et déjà programmées en lien avec les opérations projetées.

Par ailleurs, la dispersion des chercheurs travaillant sur l’Antiquité dans l’espace rhénan, qui relèvent de l’équipe 2 pour certains, a poussé à la création d’un groupe de recherche spécifique. Celui-ci a été constitué comme un mode de fonctionnement transversal dédié aux travaux sur la période romaine dans l’espace non méditerranéen. Il est animé dans le cadre de l’équipe AMER. La recherche archéologique sur la période romaine en Alsace a fortement évolué ces dernières années. Les projets tels que le PCR « Monde Rural Gallo-Romain en Alsace » ou l’ERC « Rurland » et les programmes encore en cours, notamment celui portant sur l’agglomération romaine de Strasbourg-Koenigshoffen (PCR et projet UMR 7044 – Archimède), permettent de renouveler notre vision de l’espace situé entre Vosges et Rhin au cours de l’Antiquité. Ces travaux ont aussi fait émerger de nouvelles problématiques et pistes de recherches. En outre, les nombreux chantiers d’aménagements sur le territoire alsacien permettent chaque année de mettre au jour des occupations inédites (sur le chantier du Contournement Ouest de Strasbourg par exemple) et de compléter, voire de renouveler, nos connaissances sur certains secteurs géographiques ou sites déjà connus (comme Brumath, Horbourg-Wihr ou encore Kembs). L’ensemble de ces nouvelles connaissances ouvrent elles aussi de nouvelles perspectives d’études. Enfin, les musées et associations disposent d’une documentation importante sur certains sites et produisent des données qui viennent compléter celles issues de l’archéologie préventive (Société de Recherche Archéologique d’Alsace Bossue, Société d’Histoire et d’Archéologie de Brumath et environs, etc.). L’Alsace dispose ainsi d’une importante quantité de données sur la période romaine, de nombreuses perspectives de recherches et d’un dense tissu d’archéologues. Ces différents aspects ont plaidé pour la mise en place d’un réseau dont l’objectif est, pour les différents acteurs de la recherche régionales, de diffuser l’actualité de la recherche, d’échanger et de partager de la documentation, de se coordonner et d’avoir la possibilité de s’impliquer au sein de projets déjà existants ou de pouvoir collaborer à l’élaboration de nouveaux programmes d’étude. Ce collectif englobe des personnes du monde académique (universitaires, chercheurs, étudiants), de l’archéologie préventive, des musées et des associations et des spécialistes de l’ensemble des champs disciplinaires et domaines de recherche : rural, urbain, funéraire, étude de la morphologie des habitats, territoires, étude des mobiliers, architecture, épigraphie, bioarchéologie, paléo-environnement, etc. Enfin, si la période romaine est au cœur des intérêt du groupe, l’objectif sera aussi, à court terme, de créer de véritables liens avec la période laténienne et mérovingienne, mais aussi de dépasser les limites de l’espace d’étude en franchissant les Vosges et le Rhin. Ce groupe, constitué d’une quarantaine de spécialistes, s’est réuni pour la première fois le 24 janvier 2022 et se retrouvera le 3 mars 2023 pour une première journée d’étude intitulé « Bilan des recherches récentes et perspectives d’études sur la période romaine sur la rive gauche du Rhin supérieur ». L’objectif est de réunir le groupe au moins une fois par an pour échanger sur les nouvelles découvertes, sur les programmes en cours et sur les perspectives de recherches futures.


Axe 1 : « Enceintes et fortifications » (resp. C. Féliu)

De façon transversale, L. Bernard co-organise depuis 2022 des sessions de l'association EAA (European Association of Archaeologists) ayant pour but d'envisager la meilleure méthode afin de partager les bases de données en relation avec les enceintes au niveau européen, notamment avec des collègues du Nord de l'Europe. Une nouvelle session a été déposée pour 2023 en association avec l'Université de Kiel (O. Nakoinz).

Opération 1.1 : « Enceintes et fortifications des Vosges du Nord, de la Protohistoire au Moyen Âge » (resp. C. Féliu)

Cette opération diachronique, qui se propose d’étudier les modalités d’implantation et les caractéristiques de fortifications entre l’âge du Bronze et la fin du Moyen Âge, se place dans la continuité des travaux engagés lors du précédent quinquennal. Le champ de l’étude se portera sur une zone restreinte aux deux versants du nord du massif vosgien, soit la frange occidentale du département du Bas-Rhin et les zones orientales de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle, auxquelles sera adjoint le bassin de Saint-Dié. Cet espace, où les fortifications sont bien représentées, permettra d’étudier ces sites et leur relation aux grandes voies de circulation qui traversent le massif (seuil de Saverne, vallée de la Bruche…) ; mais aussi aux zones qui semblent situées à l’écart de ces axes de passage. La prise en compte d’un temps long, qui court du début de la Protohistoire à la fin du Moyen Âge permettra d’observer les rythmes à l’œuvre dans le développement et l’évolution des habitats fortifiés de hauteur sur plus de trois millénaires. Cette définition chronologique permettra, entre autres, de répondre à la question des sites multiphasés, que les prospections mettent très régulièrement en évidence. Au-delà de l’étude des périodes d’occupation de chacune des fortifications, l’existence de schémas d’implantation spécifiques, voire d’une “sitologie” caractéristique pour certaines périodes, sera questionnée ; elle permettra éventuellement de proposer une attribution chronologique à certaines occupations non datées par ailleurs. L’ouverture du projet au Néolithique d’une part et aux périodes plus récentes d’autre part pourra être envisagée en fonction du ralliement de chercheurs spécialistes de ces périodes. En l’état actuel de nos connaissances, la fin de la Préhistoire n’est que très peu représentée sur les fortifications de la région, à raison de quelques rares objets sans contexte défini.

La réalisation d’un inventaire fiable ne pourra être obtenue que par la mise en commun et l’homogénéisation des bases de données développées par chacun des chercheurs impliqués dans le projet. Les informations ainsi regroupées devront également être complétées afin de pouvoir bénéficier, pour l’ensemble des occupations prises en compte, d’une documentation exhaustive. Une attention particulière sera portée aux plans et documents cartographiques dont la mise en parallèle permettra d’appréhender les évolutions historiographiques de la recherche sur ces gisements mais également de dresser des plans compilés des fortifications. La mise en place de ce référentiel passera également par la poursuite des prospections systématiques engagées depuis 2015 par une petite équipe menée par S. Gentner et M. Walter. Ces prospections permettent, chaque année, d’explorer deux à trois sites non encore datés et de préciser leur topographie et les périodes pendant lesquelles ils ont été fréquentés ou occupés. Elles servent également de préparation à des sondages complémentaires, effectués dans un second temps. La question de l’acquisition de données topographiques nouvelles devra aussi être posée : en effet, si des relevés manuels peuvent être envisagés pour de faibles superficies, afin de vérifier l’un ou l’autre point particulier, ils restent impossibles à l’échelle de sites de plusieurs hectares situés en général sous un couvert forestier dense. L’utilisation de méthodes plus rapides, mais plus onéreuses, de type LiDAR devra être discutée. Le catalogue raisonné ainsi mis en place permettra enfin une étude systématique des fortifications, de leur implantation et de leur environnement à l’échelle de la région retenue. Une série d’indicateurs, issus de l’analyse spatiale (degré d’isolement, contrôle visuel, accessibilité…) viendront compléter les études archéologiques quantitatives et qualitatives plus courantes pour mettre en évidence les caractéristiques de chacune des fortifications et proposer des interprétations fonctionnelles ou sociales. D’éventuelles structures récurrentes (patterns) dans l’implantation des sites pourront également être mises en évidence. Dans un second temps, la perspective historique sera élargie : l’occupation humaine du nord du massif vosgien, encore mal définie pour les périodes anciennes, pourra être appréhendée plus finement, les caractéristiques de l’habitat régional et leurs évolutions mises en évidence. De même, les questions liées à l’exploitation des milieux de moyenne montagne pourront être posées, comme celle de la place des sites de hauteur dans cette mise en valeur des territoires.

À cette opération est adossée la fouille du Brotschberg à Haegen (sous la direction de S. Gentner) : pour plus d'informations, voiri ici.

Opération 1.2 : « Occupation militaire de la plaine du Rhin pendant l’Antiquité tardive » (resp. B. Barek)

Dans le cadre d’une nouvelle dynamique visant à comprendre l’occupation du territoire antique alsacien durant l’antiquité romaine, il apparaît, en comparaison aces les zones riveraines du haut Rhin suisse et du Rhin moyen allemand, il apparaît que la plaine d’Alsace présente un déficit important en termes de nombre de sites potentiellement occupés par l’armée, au Haut-Empire, mais surtout durant l’Antiquité tardive. Loin d’être une nouveauté, nous proposons de réouvrir le dossier lacunaire de la présence militaire romaine en Alsace. Un travail sur quatre ans est envisagé. En première approche il conviendra de reprendre la documentation ancienne concernant les découvertes de structures militaires potentielles ou supposées, de militaria, ou de localisations géographiques associées à des points stratégiques dans une optique de contrôle du territoire (points de franchissement sur le Rhin, carrefours de routes antiques importantes, accidents topographiques) selon une grille de lecture en adéquation avec ce qui s’observe dans d’autres régions analogues (Cours médian et inférieur du Danube, cours du Rhin supérieur et inférieur). Cette documentation sera confrontée à des sources de documentation modernes, comme la couverture satellite, les images aériennes et les données LiDAR.

À l’issue de cette phase, évaluée à une année, nous proposons d’établir une liste de sites potentiels qui feront l’objet d’une prospection pédestre, d’une couverture photogrammétrique par drone, d’une prospection par détection, et d’un ramassage de surface durant la seconde année. Une troisième phase visera à sélectionner parmi les sites les plus pertinents ceux qui feront l’objet d’une demande de sondages ponctuels, de manière à confirmer ou invalider les résultats des prospections. Ces dernières continuant en parallèle. Les résultats de ces sondages nous permettront alors d’envisager une campagne de fouille programmée sur le ou les sites choisis pour tenter de caractériser les sites retenus (période d’occupation et nature des troupes en cantonnement). L’ensemble des données acquises seront intégrées à un système de géoréférencement compatible avec la carte archéologique. Chaque étape fera l’objet d’un compte rendu annuel, sous forme de rapport et de publication, mais dont les modalités restent à déterminer. En fonction des résultats, une publication finale sera envisagée. Une attention particulière sera accordée à l’association des recherches et des résultats aux différents intervenants régionaux (SRA) ou locaux impactés, ainsi qu’à la presse et au grand public. À cet effet, chaque municipalité sera contactée pour permettre à minima un partage des résultats si ceux-ci s’avèrent positifs (la présence locale de l’armée romaine peut avoir un écho important dans l’imaginaire collectif), ou de proposer aux administrés des communes considérées, de participer aux phases de terrain, dans le cadre d’activités archéologiques encadrées par des professionnels. Des communiqués de presse et des descriptifs adaptés à un large public seront régulièrement adressés aux médias locaux. Des pages dédiées seront créées sur les réseaux sociaux afin de partager l’avancée des recherches via du contenu photo et vidéo. Des partenariats seront créés avec des pages locales et des médias spécialisés en archéologie, afin d’offrir la meilleure visibilité possible au projet.

Opération 1.3 : « Inventaire des châteaux forts et sites fortifiés médiévaux d’Alsace » (resp. F. Minot)

Dans le cadre d’une approche diachronique (de la Préhistoire récente à l’époque moderne), la thématique de la fortification trouve une expression forte dans les territoires alsaciens au cours du Moyen Âge. Expression d’un pouvoir, élément majeur de la structuration du territoire, elle joue toutefois un rôle différent selon qu’elle soit de hauteur ou de plaine, urbaine ou castrale. Les recherches de terrain, couplées à une analyse des archives médiévales et modernes, permettent de reprendre les travaux engagés dans les années 1970-1980 d’inventaire des sites castraux (travaux de J. Burnouf, de C.-L. Salch, etc.), ainsi que le répertoire, inachevé, des monuments et sites fortifiés d’Alsace publié par B. Metz entre 1991 et 2005 dans le bulletin de la SCMHA (Alsatia Munita aevi medii), en en proposant une relecture profonde enrichie par les opérations de terrain menées au cours des dernières années.

Le premier volet de cette opération consistera en une transposition des travaux de B. Metz dans une base de données ouverte à la requête et mise à la disposition du grand public sous la forme d’un site internet. Ce travail permettra de rendre accessibles des données de premier plan, aujourd’hui difficilement exploitables en raison de leur format de publication. Il permettra également d’ouvrir la recherche sur les fortifications à l’ensemble du territoire alsacien, et notamment aux sites de plaine, y compris les enceintes urbaines, les églises et cimetières fortifiés, ainsi qu’aux sites disparus connus uniquement par les sources historiques. Dans un second temps, cet inventaire pourra être complété en intégrant des sites non répertoriés dans l’Alsatia Munita et des données issues d’opérations récentes. La mise en place d’une base de données actualisée des sites fortifiés, offrant des paramètres de requêtes chronologiques (basés à la fois sur les datations archéologiques et sur les mentions écrites) et géographiques, est un outil indispensable qui fait défaut à la recherche archéologique médiévale en Alsace. Il s’agit donc non seulement de centraliser et de faciliter l’accès à des données existantes, tant pour les spécialistes que pour le grand public, que de leur permettre d’être complétées, comparées, triées et cartographiées, dans l’optique de les intégrer à un système d’information géographique. In fine, cet outil permettra d’engager des réflexions sur les fortifications médiévales en facilitant notamment la recherche sur les questions de leurs origines et de leur implication dans l’organisation des territoires.

 

À cette opération sont adossées plusieurs chantiers de fouilles, le Purpurkopf à Rosheim (dir. F. Minot), les Ponts-Couverts à Strasbourg (dir. M. Werlé) et le Petit-Koenigsbourg (dir. J. Koch).


Axe 2 : « Productions et culture matérielle » (resp. É. Arnold)

Opération 2.1 : « La production céramique en Alsace du Bronze ancien au Bronze final IIIa » (resp. S. Goepfert et E. Rault)

Cette opération vise à établir un référentiel commun pour définir et étudier la diversité de la production céramique à l’âge du Bronze d’un point de vue régional. À la suite des synthèses produites par nos collègues pour la céramique du Bronze final IIIb à La Tène A, un travail de même nature est envisagé pour l’âge du Bronze une méthodologie différente toutefois, notamment avec l’intégration du domaine funéraire et une prise en compte des aspects dimensionnels, techniques et fonctionnels.Outre les aspects typologiques à revisiter afin de proposer un vocabulaire descriptif commun tout comme une proposition de classification. La prise en compte des datations absolues obtenues ces dernières décennies permettra d’obtenir une meilleure résolution des productions dans le temps long en identifiant les périodes de transition. Au-delà de ces implications chronologiques indéniables, les aspects culturels, comme la question des influences culturelles et leur évolution, ou encore la problématique de l’identification d’éventuels groupes régionaux seront prise en compte et approfondis. L’opération s’articulera en plusieurs rencontres de travail annuelles réunissant les différents acteurs locaux selon des problématiques chronologiques et ou techniques et débouchera à terme, sur une ou plusieurs publications reflétant l’avancement des travaux et des réflexions. 

Opération 2.2 : « L’artisanat céramique à Strasbourg-Kœnigshoffen durant l’Antiquité » (resp. C. Bébien et C. Plouin)

Entre le milieu du ier s. apr. J.-C. et les années 260/275 apr. J.-C., les potiers installés dans ce vicus ont fabriqué au moins 200 types différents de céramiques. Ce site occupe une place majeure au sein de l’artisanat céramique antique local. Son statut est singulier au regard de sa durée de fonctionnement, de la diversité des productions, des grandes quantités de mobilier et de structures qui y ont été découverts, mais également en raison de sa localisation à proximité du camp légionnaire de Strasbourg. L’importance de ce site et l’absence de synthèse ont suscité la volonté de créer un groupe de recherche sur ce thème. Ce projet réunit des céramologues spécialisés sur la région Alsace et travaillant pour différents opérateurs en archéologie préventive. La majorité des membres sont rattachés à l’UMR 7044. Le projet s’articule autour de trois axes de recherche :

  • La production : le but est d’établir une typologie unique des céramiques produites par les ateliers du vicus de Kœnigshoffen. Cette tâche sera étroitement liée à l’analyse des pâtes et des catégories. Un état des lieux sur les structures artisanales et l’outillage complétera la vision de l’activité potière. 
  • La chronologie : la typologie unique devra ensuite être insérée dans une chronologie absolue, à partir de lots issus de contextes de consommation disposant de datations fiables.
  • Céramiques et société : à partir de sites de consommation situés dans le vicus et dans un rayon d’environ 30 km, un bilan sera dressé sur la diffusion des céramiques de Kœnigshoffen et sur les renseignements socio-économiques qui en découleront.

La finalité de ce projet est de publier une monographie présentant une analyse approfondie de l’artisanat céramique à Kœnigshoffen. La typo-chronologie des productions y tiendra bien évidemment une place prépondérante. Elle servira de référence pour les futures analyses céramologiques, et permettra aussi de fournir un socle précis et solide pour réaliser des comparaisons et entamer des réflexions socio-économiques sur une aire géographique plus large (notamment avec les ateliers de potiers mis au jour sur l’autre rive du Rhin).

Opération 2.3 : « La céramique médiévale et moderne en Alsace, VIe-XVIIIe siècle » (resp. É. Arnold et M. Châtelet)

Les connaissances que nous avons de la céramique médiévale en Alsace reposent encore aujourd’hui principalement sur deux ouvrages parus respectivement en 2002 et 2005 : celui sur le haut Moyen Âge qui constitue une synthèse régionale, englobant également la rive droite du Rhin intégrée aux mêmes unités économiques et culturelles que l’Alsace (Châtelet 2002), et le second sur la période suivante jusqu’au début de l’époque moderne, centré sur le vaisselier strasbourgeois (Henigfeld 2005). Depuis, de nombreuses fouilles sont venues enrichir le corpus et ont donné l’occasion de préciser ces chronologies, notamment pour les secteurs (le centre et le sud de l’Alsace) et les périodes (les xe-xiie siècles notamment) moins bien cernées, permettant ainsi de compléter le travail de synthèse entrepris il y a plus de vingt ans. Ces études, réalisées le plus souvent dans le cadre des rapports de fouille, sont restées néanmoins ponctuelles et peu ont fait l’objet d’une publication. Elles n’ont également jamais été reprises dans leur ensemble en vue de réactualiser et de compléter la typo-chronologie régionale. Certes, deux mémoires de master ont permis de jeter les bases d’une chronologie des céramiques du centre de l’Alsace pour la période des xve-xvie siècles (Kraft 2016) et de prolonger nos connaissances sur le vaisselier strasbourgeois jusqu’à la période du xviiie siècle (Doury 2016) ; de même un travail sur la céramique des xe-xiie siècles dans le nord de l’Alsace a permis d’affiner la chronologie de cette période (Châtelet dans Peytremann et al., à paraître). Ces travaux restent cependant isolés.

Nous nous sommes ainsi données pour objectif d’engager cette synthèse dans les années à venir par l’exploitation de cette importante documentation issue des fouilles des vingt dernières années. Pour le haut Moyen Âge et le Moyen Âge central (VIe-XIIe siècle), l’étude sera conduite par Madeleine Châtelet et devra aboutir à un manuel qui permettra aux étudiants comme aux chercheurs de disposer d’un outil de travail pratique et réactualisé pour dater la céramique de cette période. Les nouvelles données afférant aux innovations technologiques, à la fonction des récipients ainsi qu’aux relations et aux espaces économiques et culturelles, mises en évidence par la distribution des céramiques, devront être également résumées pour compléter nos connaissances sur le mode de vie et le cadre économique de la population locale. Le manuel devra être illustré pour chaque période par les ensembles clos les plus représentatifs des 22 nouveaux sites de référence, de diagrammes visualisant l’évolution et les caractéristiques propres de la céramique à chaque phase et de photos facilitant l’identification des différentes catégories technologiques. Pour certains points comme la caractérisation des céramiques des xe-xiie siècle, un retour au mobilier sera vraisemblablement nécessaire. Le travail se fera en étroite collaboration avec Élise Arnold pour déterminer une terminologie et une typologie communes et établir l’évolution entre les deux périodes considérées. Pour le bas Moyen Âge et l’époque moderne (xiiie-xviiie siècles), une analyse approfondie d’ensembles clos découverts récemment lors de fouilles préventives sera entreprise par Élise Arnold, afin d’aboutir à l’élaboration d’une typo-chronologie régionale susceptible de compléter et de préciser celle proposée en 2005 par Yves Henigfeld pour le vaisselier strasbourgeois. L’accent sera notamment porté sur les contextes du centre et du sud de l’Alsace, mais également sur des lots découverts en dehors de l’agglomération strasbourgeoise, qui n’ont à l’heure actuelle que très rarement fait l’objet de publications. Outre l’objectif de parvenir à la création d’un manuel de référence permettant aux professionnels et aux chercheurs locaux de mieux dater les lots découverts dans l’ensemble de l’Alsace, ce travail aura également pour but d’étudier les différentes zones de production alsaciennes de céramiques médiévales et modernes. Des analyses de pâtes devront donc être envisagées, ainsi qu’une caractérisation systématique et détaillée des différents groupes techniques locaux identifiés, notamment par le biais de photographies. La diffusion des produits céramiques locaux, l’importation éventuelle de céramiques extra-régionales et les influences stylistiques et formelles micro-régionales seront également étudiées, contribuant ainsi à l’approfondissement de nos connaissances socio-économiques des populations médiévales et modernes sur le territoire alsacien.

Opération 2.4 : « Nouvelle approche des ambres archéologiques d’Alsace » (resp. M. Michler)

Cette opération s’intéresse aux ambres archéologiques découverts en Alsace avec un intérêt fort pour les questions de provenance. Les artefacts en ambre sont en effet connus depuis le Paléolithique et de nombreuses cultures européennes ont adopté ce matériau par la suite. L’emploi d’analyses moléculaires (méthode GC-MS) permet aujourd’hui une identification de la composition chimique des artefacts, précisant l’origine botanique des ambres employés. Le but est de mieux cerner la provenance géographique des gîtes exploités à diverses époques, tout en établissant un référentiel d’ambres européens de l'Éocène et du Cénomanien d’origines diverses. Les méthodes d’investigation s’intéressent également aux processus d'altération subis au niveau moléculaire par les objets lors de leur enfouissement, offrant ainsi de nouvelles possibilités d’interprétation quant à la taphonomie. L’élaboration d’objets en ambre nécessite l’emploi de diverses techniques et d’outils qui ont parfois laissé des traces sur les objets finis. L’observation de ces stigmates à une résolution suffisante offre de nouvelles perspectives de recherches. L’opération s’articulera principalement autour de plusieurs sessions d’échantillonnages raisonnés sur des objets en ambre. 

Opération 2.5 : « Le mobilier macrolithique : fonction, approvisionnement » (resp. F. Jodry)

Les outils lithiques (hors silex) façonnés et utilisés par l’homme nous informent sur l’histoire des techniques, sur l’économie et l’organisation des sociétés anciennes. Plus en détail, L’analyse fine de ces outils permet d’aborder les techniques de fabrication (spécificités régionales et interrégionales), de collecte mises en place afin d’élaborer un outil performant (méthodes de prélèvement, choix de la roche) et de diffusion (usage local, importation de produits semi-finis). La typologie, couplée aux techniques de fabrication, nous aide à mieux comprendre les activités liées à ces outils. Les secteurs d’activités sont variés : transformation alimentaire (mouture, broyage, concassage), production "artisanale" (entretien d’outils, abrasage, polissage, percussion, chasse (poids de pêche, balles de fronde)… Afin de mettre en valeur l’utilisation de ce potentiel riche nous avons construit deux bases de données  dont la première (SIG), appelée « ressources lithiques », a été mise au point pour enregistrer les zones d’acquisition avec pour corollaire la caractérisation de la roche (à l'heure actuelle près de 200 points de collectes sont enregistrés). Cette recherche se fait en collaboration avec Philippe Duringer, géologue à l’IPG-EOST de Strasbourg et Gilles Fronteau, géologue au Gegenaa de l’Université de Reims. Le contrat plan État Région permettra de faciliter les relations entre ces différents acteurs institutionels. La seconde base de données nommée « outils lithiques » est construite à partir des inventaires des rapports de diagnostics et de fouilles. Cette base de données (tableur) prend principalement en considération la matière première, le type d’outil et la fourchette chronologique du site importateur (à l'heure actuelle près de 3000 pièces sont inventoriées). Les analyses croisées de ces bases de données permettront d’établir un lien entre les matières premières lithiques et les occupations en tentant de définir les flux de circulation des matériaux et l’impact sur l’implantation des hommes dans le territoire.


Axe 3 : Le monde funéraire dans la plaine du Rhin supérieur

Opération 3.1 : « Les nécropoles protohistoriques du massif forestier de Haguenau » (dir. L. Tremblay Cormier)

Ce projet concerne la reprise de données issues des fouilles préventives et anciennes des nécropoles tumulaires protohistoriques du massif forestier de Haguenau. L’objectif est la publication d’une monographie rassemblant la synthèse des travaux antérieurs, l'actualisation des données selon l’état actuel des collections, des études complémentaires ainsi que des chapitres de synthèse, apportant une vision renouvelée et diachronique de ces nécropoles. Le champ chronologique couvre l’ensemble des vestiges du Bronze ancien à La Tène finale, qu’il s’agisse de ramassages, de découvertes fortuites, des fouilles anciennes ou des premières opérations préventives menées entre 1961 et 2000. Une première estimation montre que le nombre de tertres fouillés s’élève à environ 300, dont plus de 900 sépultures et environ 2800 objets. Outre la présentation du mobilier archéologique, cet ouvrage intègre des études sur les restes humains et animaux, la pétrographie des céramiques, l'analyse physico-chimique des alliages cuivreux, de l'ambre et de l'or, l'étude des matériaux périssables, la relation aux habitats et aux réseaux de circulation, les pratiques et l'architecture funéraires ainsi que la chronologie relative. Toutes ces questions sont abordées dans une perspective diachronique et à l'échelle européenne.

Opération 3.2 : « Les ensembles funéraires d’Alsace en contexte rural durant l’Antiquité » (resp. A. Habasque-Sudour et M. Roth-Zehner)

Les fouilles d’archéologie préventive ont révélé de nouveaux ensembles funéraires dans le Bas-Rhin et dans le Haut-Rhin. Ce projet peut être considéré comme la suite de la table ronde qui aura lieu en mars 2023. Le travail mené sur ces structures pourrait mettre en exergue d’éventuelles caractéristiques funéraires rurales, dans la manière dont ces ensembles s’intègrent dans le paysage rural, de restituer les gestes et les rites funéraires effectués pendant et après les funérailles, le statut des défunts qui prévalent sur le territoire des Triboques et des Rauraques à différentes périodes de l’époque romaine et dans un contexte rural. Des problématiques archéologiques plus vastes peuvent être envisagées à travers l’étude des ensembles funéraires ruraux et les comparaisons avec l’Allée aux tombeaux de Strasbourg ; comme le degré de romanisation des populations rurales, d’éventuelles particularités culturelles, la hiérarchisation des agglomérations secondaires et la distinction entre urbain et rural.

Opération 3.3 : « Espaces et pratiques funéraires en Alsace aux périodes mérovingienne et carolingienne, ve-xe siècles » (resp. H. Barrand-Emam et F. Chenal)

Les deux triennaux de recherche dans le cadre du Projet Collectif de Recherche « Espaces et pratiques funéraires en Alsace aux périodes mérovingienne et carolingienne (Ve-Xe siècles) » (2015-2022) se sont clôturés par la co-organisation des 42e journées internationales d’archéologie mérovingienne (AFAM) consacrées aux « Nouvelles recherches et méthodes : pour une avancée des connaissances sur les ensembles funéraires alto-médiévaux », qui se sont déroulées du 5 au 8 octobre 2022 à Saint-Germain-en-Laye. Aujourd’hui, les membres actifs du projet souhaitent faire évoluer le PCR vers un nouveau format pour faciliter la finalisation des travaux qui doivent aboutir à des publications et permettre de faire évoluer les thématiques de recherche. La dynamique d’échange et de collaboration inter-opérateur mise en place au cours de ces six dernières années se poursuivra donc sous la forme d’un groupe de recherche régional, adossé administrativement à l’équipe 4. Les missions et les thèmes de recherche effectués au sein du PCR « Espaces et pratiques funéraires en Alsace aux époques mérovingienne et carolingienne » se perpétueront sur le long terme dans un cadre simplifié et plus souple que celui d’un PCR. Cette nouvelle organisation permettra à chacun de consacrer l’intégralité du temps qui lui sera alloué chaque année, aux publications des synthèses actuellement en cours, à la préparation des réunions collectives ainsi qu’à la mise en place de nouvelles thématiques de recherche. Les thèmes traités au sein du PCR ont évolué depuis leur création. Lors de la première triennale, de nombreuses notices ont été écrites pour présenter les sites intégrés au corpus du PCR. Des sujets concernant notamment le pillage, les garnitures de ceinture, le caractère symbolique du mobilier, les sépultures dans l’habitat, les enclos funéraires ont fait l’objet d’articles, de travaux universitaires et de communications au sein de colloques. Certains thèmes de recherche sont donc actuellement considérés comme traités et de nouveaux sont en cours de développement.

Trois importantes bases de données ont été construites et alimentées au cours des deux triennaux. La première a été celle concernant l’architecture funéraire, la deuxième avait pour vocation l’intégration des données biologiques et enfin, la troisième est consacrée à l’enregistrement du mobilier et des dépôts alimentaires découverts dans les sépultures. La création et l’alimentation en données de ces trois bases permettent aujourd’hui d’envisager ces nouveaux thèmes de recherches. Proposés aux étudiantes/étudiants ou aux membres du groupe de recherche, ils pourront dorénavant s’appuyer sur les données enregistrées dans les différentes bases. En outre, l’intégration des données funéraires mérovingiennes des nouveaux sites découverts chaque année dans le cadre de l’archéologie préventive permettra d’en valoriser l’exploitation sur le long terme et d’apporter aux chercheurs locaux un outil fiable et complet. Celui-ci pourra se révéler fort utile pour la rédaction des rapports d’opérations, d’articles et la création de futures thématiques de recherche.

Par ailleurs, au cours des six années du PCR, une nouvelle mission a pris de l’importance. Il s’agit de l’encadrement d’étudiants en Master souhaitant travailler sur les problématiques funéraires mérovingiennes en Alsace. Un encadrement régulier des étudiantses/étudiants s’est ainsi normalisé au fil des deux triennales entre le PCR et l’université de Strasbourg, mais également avec l’université de Bordeaux, pour le volet archéo-anthropologique. Cet encadrement a permis d’accompagner les étudiants leur démarche scientifique, mais également de soutenir leur motivation dans des conditions de travail rendues particulièrement difficiles par les restrictions liées à la pandémie de la Covid19. La proposition de sujets en lien avec les problématiques actuelles de l’archéologie funéraire mérovingienne et l’encadrement des étudiants se poursuivra dans le cadre du groupe de recherche, même si à terme cet engagement devra peut-être s’élargir à d’autres axes (habitat, christianisation, etc.) et trouver un autre cadre. Notre souhait est également de maintenir l’organisation annuelle de réunions collectives portant sur des thématiques ancrées dans notre quotidien d’archéologue œuvrant dans le préventif, qui permettront de faire évoluer et converger nos méthodologies de travail, que ce soit sur le terrain ou lors des phases post-fouille. Deux réunions de ce type sont d’ores et déjà programmées pour 2023 : elles traiteront de la méthodologie de fouille et d’étude des sépultures à inhumation. La première réunion portera sur « Le temps de l’opération : la fouille des sépultures » et la seconde sera dédiée au temps du post-fouille : le traitement des données.

Opération 3.4 : « Gestes et traitements du corps du début de l’âge du Bronze, jusqu’à la fin du Moyen-âge » (Resp. H. Barrand-Emam et É. Boës)

Depuis une vingtaine d’années, le nombre de sépultures fouillées a considérablement augmenté en Alsace, livrant des corpus importants dès le Néolithique ancien. Qu’il s’agisse d’inhumations ou de dépôts de crémation, les ensembles funéraires mis au jour documentent une grande variabilité de gestes pratiqués par les vivants sur les morts. Toutes les périodes sont concernées et certaines opérations d’envergure sont venu compléter les corpus sur des zones peu explorées, notamment à l’occasion des travaux de la LGV-est du COS. Cette abondante documentation doit permettre de dynamiser toutes les réflexions sur les modalités de traitements des corps inhumés, qu’il s’agisse des modes d’ensevelissement, des réouvertures de tombes, des comportements reliquaires ou encore des types d’architecture funéraire. Les modalités d’étude de la crémation des corps ont par ailleurs très largement progressé depuis 20 ans, permettant de mieux distinguer les gestes pratiqués sur les bûchers, puis lors des funérailles. Alors que certaines pratiques sont récurrentes au cours du temps, des spécificités chronologiques apparaissent toutefois clairement. Il s’avère aujourd’hui nécessaire de faire le bilan de ces vingt dernières années de recherche alsacienne en archéologie funéraire, d’autant que de nouvelles perspectives apparaissent par le biais notamment du traitement statistique des données disponibles et l’essor des analyses paléogéonmiques, permettant, par exemple, de tester la variabilité de certains comportements selon les données biologiques disponibles. Un état des lieux concernant les méthodes utilisées et leurs objectifs, aussi bien sur le terrain qu’en laboratoire, s’avère par ailleurs aujourd’hui fondamental, afin d’apporter un regard critique sur nos modes opératoires et de dégager de nouvelles orientations et de nouvelles idées. Par l’abondance des données disponibles, cette thématique de recherche doit conduire à dynamiser l’essor de problématiques aussi bien chronologiques que diachroniques. La création d’une équipe ouverte à ces réflexions apparaît très utile pour confronter les résultats et ouvrir le champ des hypothèses.


Axe 4 : Habitats et territoires (resp. A. Nüsslein)

Opération 4.1 : « Territoires et habitats au premier âge du Fer dans le Rhin supérieur » (resp. A.-M. Adam et M. Roth-Zehner)

Depuis 2018, et dans le prolongement de recherches menées durant plus d’une décennie sur l’habitat des premiers siècles de l’âge du Fer dans le Rhin supérieur, un groupe d’une dizaine de chercheurs a approfondi des thématiques particulières touchant d’une part à certains éléments structurants des habitats, comme les puits (Croutsch et al. 2020), d’autre part à une meilleure caractérisation des productions céramiques issues de ces sites domestiques, habitats de plaine et de hauteur (Adam et al. 2011). Cette étude céramologique qui doit aboutir à la publication d’une nouvelle synthèse, reposant sur un corpus considérablement étoffé grâce à l’activité d’archéologie préventive des deux dernières décennies, servira de base à de nouvelles approches, avec un élargissement prévu dans deux directions.

La constitution d’un nouveau cadre chronologique de la céramique régionale est la prémisse indispensable à une réflexion plus ample sur des questions de chronologie hallstattienne, intégrant le domaine funéraire. L’approfondissement pourra porter sur plusieurs points : une meilleure connaissance de la transition BF IIIb/Ha C, les étapes de l’articulation entre la phase récente du Ha C et le Ha D1, l’identification de nouveaux ensembles du Ha D2, etc…). Une première rencontre est prévue à l’automne 2023, en association avec des archéologues protohistoriens du Landesamt für Denkmalpflege de Bade-Wurtemberg. Elle permettra la définition de quelques axes plus précis pour ces recherches chronologiques, qui ne peuvent s’envisager que dans une perspective transfrontalière.

Par ailleurs, à travers la mise en évidence d’une dynamique évolutive et de sous-groupes régionaux de production, l’analyse céramologique débouche également sur de nouvelles approches territoriales, qui prendront appui sur plusieurs des secteurs déjà distingués. Qu’il s’agisse de fouilles programmées, qui entreront dans une phase active de publication (« Hexenberg » à Leutenheim-67, « Britzgyberg » à Illfurth-68), ou de secteurs investis récemment par l’archéologie préventive, souvent sur des superficies importantes, comme à Sierentz, à Ensisheim/Reguisheim « Reguisheimer Feld », ou dans le secteur du Kochersberg, le long du tracé du Grand contournement Ouest de Strasbourg, qui est venu récemment compléter les informations fournies précédemment par les travaux de la LGV Est-Européenne. Ces zones se prêtent bien au rôle de « laboratoires » pour analyser les modes d’occupation du sol, ainsi que les rythmes de création et d’abandon des habitats.  

Depuis une quinzaine d’années, des chercheurs régionaux ont déjà approfondi ce type de réflexion sur quelques « fenêtres », dans la vallée de la Bruche (Roth-Zehner 2012) et la zone colmarienne, mettant en évidence des oscillations marquées du niveau d’occupation (déprises et reprises) au cours du Hallstatt D et jusqu’à La Tène ancienne (LT A-B). De nouveaux secteurs d’étude permettront de tester ces hypothèses, en s’appuyant sur les progrès réalisés en matière de résolution chronologique. Dans ces zones-tests, les relations spatiales et temporelles entre occupations funéraires et domestiques pourront être également précisées. Cette analyse territoriale tirera profit de la base de données des sites protohistoriques d’Alsace, en cours de constitution dans le cadre des projets scientifiques d’Archéologie Alsace. Le secteur sundgovien, autour du site de hauteur du Britzgyberg qui a pu fonctionner comme pôle territorial, mérite une attention particulière, avec plusieurs gisements qui devront être mieux caractérisés, éventuellement au moyen de sondages. Cette analyse territoriale inclura une démarche géo-archéologique et intégrera une étude du paysage funéraire protohistorique, qui s'appuiera sur le travail d'inventaire déjà réalisé sur les tertres en Haute-Alsace, à partir de l’examen des clichés LiDAR (Goepfert 2022). Une comparaison sera développée avec la situation rencontrée plus au nord, dans l’autre zone à couverture lœssique que constitue le Kochersberg.

Opération 4.2. : « Forme et trajectoire de l’habitat entre la fin de la Protohistoire et la période romaine » (Resp. G. Alberti)

Cette opération s’articule autour de plusieurs volets complémentaires qui ont pour objectif d’étudier la base des systèmes territoriaux : les habitats, isolés et agglomérés, ruraux et urbains. Il s’agit d’étudier leur forme (morphologie, architecture, etc.), leurs équipements (équipements agro-pastoraux, les éléments de confort) et leur trajectoire (l’évolution), entre la fin de l’âge du Fer et le début de la période romaine.

Les rénovations urbaines actuelles permettent d’obtenir de nombreuses nouvelles données sur les petites villes et bourgades de la période romaine. Elles renouvellent nos connaissances sur plusieurs agglomérations, comme Kembs Bourgheim, ou Seltz. En parallèles, la reprise des données anciennes est prometteuse (à Benfeld par exemple). La question de Brumath et de son environnement apparaît comme un sujet important et fédérateur. Le site de Koenigshoffen mérite également une attention particulière. Parallèlement aux recherches menées au sein de l’UMR sur cette agglomération antique, l’une sur les nécropoles (équipe 2) et l’autre sur la production céramique (cf opération 2.2), il semble pertinent d’engager un travail sur l’habitat (G. Alberti). En effet, outre les nombreuses découvertes fortuites effectuées depuis le XVIe siècle, la création du Musée Archéologique, puis de la Direction des Antiquités et enfin des Services Régionaux d’Archéologie ont conduit au développement des recherches archéologiques. Entre 1968 et 1996, pas moins de 25 interventions ont été réalisées par E. Kern (SRA). Depuis, le développement de l’archéologie préventive à partir de la fin des années 1990 et la multiplication des opérations de diagnostic et de fouille ces dernières années ont permis de renouveler et d’enrichir nos connaissances. Ce travail s’inscrit donc dans une continuité de reprise des données déjà engagée. Il sera consacré à la compilation et à l’uniformisation de l’ensemble des données relatives aux découvertes d’habitat, leur intégration dans un système de référencement géographique afin de cerner les différentes phases de la mise en place de cet habitat, son développement et son évolution en lien avec l’évolution de l’agglomération. La finalité de ce projet est de proposer un ouvrage monographique présentant une analyse de l’habitat découvert jusqu’à présent dans le vicus.

En parallèle, les agglomération rurales découvertes en Alsace, de types villages et hameaux, désormais bien reconnus en Gaule et en Germanie grâce à la tenue du colloque AGER XV à Saverne en 2022 (organisé par plusieurs membres de l’équipe), continueront de faire l’objet d’études approfondies (mophologie, équipements, mobilier). La préparation des actes du colloque occupera notamment plusieurs membres de l’équipe. Concernant l’habitat isolé, les fouilles préventives réalisées ces vingt dernières années dans la région ont considérablement renouvelé notre vision. Les sites sont malheureusement trop rarement publiés, notamment dans l’Est de la France. Un effort collectif (avec les différents opérateurs de l’archéologie préventive) sera entrepris pour valoriser les découvertes majeures, dans le cadre de la réalisation d’articles de synthèse ou d’un ouvrage. Un effort sera aussi entrepris dans l’étude détaillé de la trajectoire de ces habitats. Pour cela, et en complément du volet visant à valoriser les découvertes récentes, un inventaire de l’ensemble des sites ruraux fouillés (en totalité ou en grande partie) va être entrepris à l’échelle du nord-est de la Gaule (A. Nüsslein et S. Fichtl). Cet inventaire, informatisé au sein d’une base de données, servira non seulement à observer les évolutions de l’habitat mais aussi à saisir les différences et similitudes morphologiques au sein de différentes régions concernées par le projet. La période située entre la fin de l’âge du Fer et le début de la période romaine fera l’objet d’une attention particulière. Cette transition reste encore largement à étudier puisque les modalités d’évolution architecturales et morphologique, entre les fermes laténiennes et les établissements de la période romaine sont encore mal caractérisé.

Enfin, les travaux réalisés dans cette opération s’appuieront aussi sur deux projets de terrains : à Manchecourt dans le Loiret et à Vœllerdingen dans le Bas-Rhin.

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Opération 4.3 : « Peuplement et aménagement du territoire entre la fin de la Protohistoire et la période romaine » (resp. A. Nüsslein)

Cette opération, qui consiste à un changement d’échelle, rassemble les travaux qui ont pour objectif d’approcher les questions territoriales à travers plusieurs thèmes, puis de les croiser afin d’appréhender au mieux les systèmes territoriaux du Rhin supérieur au Bassin parisien. Dans ce cadre, le programme de prospection pédestre Silva Vosagus : « Les Vosges du Nord, un saltus forestier à la période romaine ? » est portée par deux membres du laboratoire (A. Nüsslein et N. Meyer). Il a pour objectif d’explorer les forêts situées dans le massif vosgien, entre le col de Saverne au sud, et la frontière franco-allemande au nord. Cette zone apparaît actuellement comme un désert archéologique. Pourtant, juste au sud, sur le piémont vosgien occidental, entre Saverne et Sarrebourg, le massif présente une occupation humaine dense composée d’une série de villages et de hameaux, implantés sur des contextes topographiques et pédologiques similaires à ceux qui se situent dans les Vosges du Nord. L’objectif de l’opération, qui a débuté en 2022, est d’essayer de trouver des vestiges d’habitats et de mise en valeur agro-pastorales de la période romaine afin de répondre à ces questions : ce vide est-il lié à un état de la recherche lacunaire ? À une faible densité d’occupation, voire à une zone complétement inhabitée ? À des modalités d’occupation peu visibles (occupation des fonds de vallée, peut-être comblée et actuellement occupés, construction de bâtiments en matériaux périssables et donc peu reconnaissables) ? Plus globalement, ce projet vise à améliorer nos connaissances sur l’histoire du massif vosgien et à compléter nos données sur le peuplement et les paysages entre Rhin et Meuse à la période romaine. Ce projet cherche aussi à alimenter le débat sur l’exploitation des terres dites « marginales » au cours de l’Antiquité et les différents travaux traitant de l’occupation des moyennes montagnes à la période romaine. En 2022, plusieurs dizaines de sites ont été découverts (habitats et parcellaires fossiles) dans les Vosges du Nord Bas-Rhinoise. L’année 2023 sera consacré à leur étude approfondie (réalisation de plans et recherche de mobilier pour leur datation). Les années 2024 et 2025 seront dédié à l’explorations de différents secteurs dans les Vosges du Nord mosellane, au sein du Pays de Bitche. Cette opération de prospection entre aussi dans le cadre de l’étude des différents types de peuplements présents à la période romaine entre Rhin et Meuse. À partir d’analyses spatiales et de modélisations, nourris par la base de données des habitats (voir Opération 4.2) et des informations issues de prospections réunis au cours des précédents grands programmes de recherches (PCR Monde Rural Gallo-Romain en Alsace et ECR Rurland notamment), il s’agit notamment de caractériser et de cartographier, à plusieurs échelles, les différents types de peuplement et d’étudier leur relation avec l’environnement anthropique (modalités d’implantations par rapport aux voies, aux villes, etc.), physique (relief, types de sols, etc.) et biologique (relations sociétés/milieu à travers les analyses paléo-environnementales). À partir de ces résultats, des tentatives de modélisation prédictive seront réalisées. Un travail sera aussi réalisé sur la question des grands aménagements qui maillent les territoires entre Meuse et Rhin. Dans un premier temps, il s’agira de s’intéresser au réseau de voies de communication à partir des nombreuses fouilles de chaussées réalisées au cours des vingt dernières années. Est prévue une étude morphologique des différents types de voiries et la réalisation d’une cartographie détaillée et réactualisée du réseau routier (B. M’Barek). Ensuite, de premiers travaux seront réalisés sur les grandes infrastructures hydrauliques (qanât, acqueduc, etc.) découvertes en nombre ces dernières années.